Y a-t-il encore des choses à ajouter sur le selfie ?
C’était et cela reste une manifestation phénoménale de l’esprit du temps. Les chercheurs et les scientifiques de différentes disciplines, de la psychologie jusqu’à la philosophie, ont commencé à travailler sur ce qu’il signifie pour notre société, et bien sûr pour beaucoup d’artistes. C’est ce qui m’intéresse le plus. Je ne montre pas des selfies d’amateurs mais 23 œuvres d’artistes, photographes et designers qui reflètent l’optimisation de l’ego, de l’identité digitale et de la question de l’identité (qui je suis, qui je pourrais être, qui je devrais être et qui je peux être dans les médias digitaux)…
Que peut apporter le regard des artistes sur un phénomène qui est pratiqué partout, par tout le monde ?
Les artistes voient le monde avec des yeux différents, ils peuvent se regrouper (Erik Kessels, selfies pieds ou pénis) ; ils peuvent réfléchir sur notre «comportement normal» (Kurt Caviezel), ils peuvent commenter/critiquer… Je préfère poser des questions pertinentes, les visiteurs trouveront eux-mêmes leurs propres réponses. Depuis le début de l'exposition, on a assisté à des réactions très ambivalentes, différentes selon l'âge et l'éducation.
Sommes-nous dans la période primaire des selfies, au début, comme l’affirment certains ?
Oui, nous sommes dans l’ère selfie 1.0. L’ère 2.0 et plus suivront.
Le selfie est-il désormais un genre visuel ?
Oui, je le pense, comme l'affirme Jerry Saltz. Il dispose de sa propre logique, de son propre style visuel et de sa propre narration. Une partie de la culture et netculture contemporaines (selfies, vidéos de chat, etc.) est devenue la nouvelle pop culture avec ses héros, ses codes, son langage. Mais un selfie n'est pas automatiquement de l'art.
Comment avez-vous choisi les œuvres ?
Je voulais montrer les différents aspects du cosmos de l’identité numérique. Femme avatar faisant de l’art (LaTurbo Avedon), œuvres photographiques (Oliver Sieber + Martin Parr) traitant de ce problème, la culture pop (MC Fitti + Alison Jackson)… Je choisis toujours celui dont le travail s’avère plus fort. Beaucoup d’artistes utilisent des webcams, mais personne n’est aussi efficace et signifiant que Kurt Caviezel. Je souhaitais également choisir des œuvres drôles parce qu’il est facile de parler des selfies avec beaucoup d’humour. Il marque davantage les visiteurs. Je suis sûr qu’une fois rentrés à la maison, ils se souviendront de certaines œuvres et peut-être même les feront-elles réagir. Je ne montrerais jamais quelque chose de dogmatique comme : «Hey, Big Brother vous regarde, la surveillance est partout». Mais les images drôles de Kurt les toucheront.
Lire l’article sur l’exposition : Selfie, le jeu de l’ego
Ego Update : the Future of Digital Identity NRW-Forum, Ehrenhof 2, Düsseldorf, jusqu'au 17 janvier. Rens. : www.nrw-forum.de
Voir aussi le projet international Streaming Egoes