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Libération
Critique

«Rick et Morty», retour vers le foutoir

Le dessin animé de science-fiction à l’humour noir, directement inspiré des films de Zemeckis, est diffusé depuis le début du mois sur France 4.
Capture d'écran de la série Rick et Morty. (Photo Adult Swim. France 4.)
publié le 21 octobre 2015 à 10h53

Bon, on va avoir le droit à des remarques du chef, mais restons un instant sérieux s'il vous plaît. Entre nous, l'intérêt de Retour vers le futur est tout à fait limité et on n'a jamais vraiment compris le culte autour de ce film, malgré l'hoverboard, objet très cool.

La critique de Libé parue en 1985 ne nous paraît pas si fausse et on doutait encore récemment de l'apport de cette œuvre à la civilisation occidentale. Enfin, c'était il y a quinze jours. Depuis, on a découvert Rick et Morty, un dessin animé déjanté diffusé depuis deux saisons sur Adult Swim aux Etats-Unis et depuis début octobre sur France 4 chez nous.

Créé par Justin Roiland et Dan Harmon (scénariste et concepteur notamment de Community), ce dessin animé de science-fiction à l'humour noir est directement inspiré au départ de Retour vers le futur (qui doit en être infiniment remercié pour ça). Il met en scène un grand-père génial et alcoolique, Rick, ressemblant fortement au docteur Emmett Brown, squattant le garage de la maison de sa fille. Avec son petit-fils, Marty, il va multiplier les aventures à travers le temps, les galaxies et les univers.

Au départ, ce n'était qu'une parodie salace imaginée par Justin Roiland, qui voulait simplement «troller» un grand studio. Comme le notait récemment Slate.fr, entre les deux œuvres, «les parallèles sont si nombreux qu'un mashup vidéo a même été posté sur YouTube». Cela ne devait rester qu'une idée en l'air, jusqu'à ce que Dan Harmon remarque le projet dans un festival et se lance dans l'aventure.

Sauf que Rick et Morty est beaucoup plus drôle et intéressant, mais aussi triste et poétique, que la trilogie de Robert Zemeckis. Avec une liberté de ton qui ferait passer (le très bon aussi) BoJack Horseman pour un Oui-Oui du dimanche aprèm et la référence Futurama pour une aimable comptine pour enfants, à chaque épisode, Rick et Morty boivent, défouraillent à tout-va, détruisent (sans faire exprès) des planètes, abandonnent le père du gamin dans des garderies sur des météorites paumées, affrontent le gouvernement intergalactique, baisent des robots reproducteurs ou des intelligences artificielles, etc.

Jouant à merveille avec les multivers et les paradoxes temporels, Rick et Morty, sous couvert de blagues, développent au fil des saisons une réflexion sur le sens de la vie et son absurdité. Chaque épisode est l’occasion de nouvelles références et d’explorer des mondes, métaphores d’une des facettes de l’humanité. Il y a cette planète où un jour par an tous les pauvres ont le droit de s’entretuer, pour le plus grand plaisir des riches. Il y a ce peuple, enfermé dans une boule, qui produit de l’électricité grâce à l’exploitation d’une autre civilisation sans que cette dernière s’en rende compte, jusqu’à ce qu’il comprenne lui-même qu’il a une fonction similaire pour alimenter la batterie du vaisseau de nos deux héros. Il y a cette invention géniale de Rick, à faire frémir Bolloré, un décodeur pirate qui permet de capter toutes les chaînes de télé de l’univers, de toutes les réalités. Ou ce monde, contrôlé par un super-ordinateur, où tous les citoyens ont perdu leur libre arbitre en échange d’une paix et d’un plein emploi assurés.

Dans une réalité, Retour vers le futur n'a jamais existé, et Rick et Morty non plus, pas de chance. Dans une autre, le Doc et Marty se sont vraiment téléportés le 21 octobre 2015. Dans une autre encore, des hamsters extraterrestres sortant de l'anus d'humains condamnés à se déplacer à quatre pattes me regardent à la télé en train d'écrire cet article. Dans une autre, je suis mort ou, pire, je suis Justin Bieber. Dans une autre, toute l'humanité a disparu. Dans le fond, on ne s'en sort pas si mal. «Pourquoi tu es là ?» demande un taulard à Rick, arrêté, dans un des épisodes. «Pour tout», répond-il. La vie, tout simplement, est coupable, c'est pour ça qu'il ne faut pas s'en faire.