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Libération

Dior : Raf Simons lâche la belle affaire

publié le 22 octobre 2015 à 19h56

A la fin du défilé Dior printemps-été 2016, le 2 octobre, le directeur artistique des collections femme de la maison, Raf Simons, était venu saluer et avait fait un cœur avec les mains. Le geste, banal, avait quelque chose d'étrange, surtout quand on connaît la réputation d'ultraréservé du couturier flamand. Jeudi en fin de journée, la marque a envoyé un communiqué annonçant que le couturier de 47 ans quittait son poste : «C'est une décision fondée à la fois sur mon désir de me concentrer sur d'autres centres d'intérêt dans ma vie, notamment ma propre marque, et les passions qui me motivent au-delà de mon activité professionnelle.»

Que voir dans cette nouvelle ? D’abord, un miniséisme dans la mode. Car Dior est l’une des principales marques de luxe françaises. Le départ de son créateur vedette, après seulement trois ans et demi d’exercice, est étonnant, tant la carrière d’un couturier se construit souvent sur le moyen terme. Raf Simons est le sixième créateur à avoir œuvré aux manettes de l’univers féminin de Dior, et il était arrivé après le scandale provoqué par le licenciement de John Galliano en mars 2011, en provenance de la griffe minimaliste Jil Sander où il officiait depuis 2005.

Contre-cultures. Dans les communiqués de ce type, il est très difficile, voire impossible, de lire entre les lignes. En tout cas, ce départ, imposé ou non, est le signe, une nouvelle fois, de la personnalité extraordinaire du Flamand. Ayant, depuis ses débuts anversois, gardé un ancrage avec les contre-cultures (comme il le montre dans sa propre marque ou ses collaborations avec des artistes contemporains), Simons avait réussi à faire le grand écart avec les impératifs nécessaires au travail avec un mastodonte comme Dior, joyau de l'empire de Bernard Arnault. Dans ses défilés, prêt-à-porter comme couture, Simons avait modifié l'esthétique Dior, troquant les cocottes de Galliano contre une épure très contemporaine. Les ventes avaient suivi, avec une hausse depuis 2011 estimée récemment à 60 %, par Sidney Toledano, PDG de la marque. Si le départ de Simons est bien un choix personnel, il est le symptôme d'un nouvel état d'esprit dans le microcosme des créateurs hyper influents qui, comme Phoebe Philo chez Céline (LVMH) ou Hedi Slimane chez Saint Laurent Paris (Kering), savent imposer leur volonté contre celle de leur propriétaire.

Pataquès. La question de son remplaçant se pose désormais. Les échotiers murmurent les noms de Phoebe Philo, donc, Riccardo Tisci (Givenchy), ou Jonathan Anderson (Loewe), trois créateurs dans le giron de LVMH. Quelques semaines après le pataquès autour de la succession d'Alexander Wang de Balenciaga, le jeu de rumeurs et de chaises musicales redémarre en fanfare.