«J'ai travaillé pour une bibliothèque en Pennsylvanie et écrivais une chronique mensuelle de recommandations littéraires. […] Je suis une lectrice compulsive (un don de naissance) et je lis deux livres par jour.» Le profil Amazon de Harriet Klausner – qui précise également qu'elle avait deux chiens et quatre chats – ne sera plus jamais mis à jour : cette utilisatrice pas comme les autres du site d'e-commerce est décédée près d'Atlanta le 15 octobre à l'âge de 63 ans. Pas comme les autres car entre la fin des années 90 et le 12 octobre, date de sa dernière publication sur le site, Klausner a écrit pas moins de 31 014 critiques de livres vendus sur Amazon.
Harriet Klausner has passed on. She reviewed many of my books, and may have even read some of them. RIP, Harriet. https://t.co/SBfOyamTEi
— John Scalzi (@scalzi) October 22, 2015
Dès l'annonce de sa disparition, la semaine dernière, des écrivains lui ont rendu hommage sur les réseaux sociaux, à l'image du romancier américain de science-fiction John Scalzi, auteur de Redshirts - Au mépris du danger (prix Hugo du meilleur roman 2013) : «Harriet Klausner nous a quittés. Elle a critiqué beaucoup de mes livres, et elle en a peut-être même lus certains. RIP, Harriet.» Cet hommage teinté d'humour noir reflète bien l'attitude ambivalente des internautes vis-à-vis de Klausner, souvent accusée de s'arranger avec la réalité.
Woman Who Reviewed 31,000 Books on Amazon Dies. Harriet Klausner (1952-2015). Info: https://t.co/wupOpYo7Ha pic.twitter.com/UtR64anTfE
— Cliff Pickover (@pickover) October 26, 2015
En 2012, le New York Times relevait ainsi que 99,9% de ses critiques attribuaient quatre ou cinq étoiles (sur un maximum de cinq) aux romans sélectionnés. Klausner se justifiait ainsi : «si j'arrive à dépasser les 50 premières pages, ça veut dire que j'aime le livre, donc je le critique». Traduction : elle ne s'attaquait jamais à un ouvrage qui lui aurait déplu. De quoi relativiser l'intérêt des textes de cette amatrice de romances Harlequin, éternelle enthousiaste, même devant un livre intitulé Danses sous la pleine lune d'automne.
Ses critiques étaient régulièrement attaquées par une communauté de haters regroupés sous le nom de Harriet Klausner Appreciation Society, comme le rappelle le Washington Post -dont le propriétaire, Jeff Bezos, n'est autre que le PDG d'Amazon. Le journal rappelle au passage le conseil de Klausner à ses détracteurs, dont elle ne se souciait guère : «profitez de la vie, lisez un livre».