Le grand huit. Abdoulaye Diarra, alias Oxmo Puccino, revient avec un nouvel opus au titre charnel, la Voix lactée. La mélodie du gamin de Danube (Paris XIXe) se pose, comme toujours, avec justesse. Un flow intact: il traverse les modes et les évolutions du rap hexagonal sans crainte ni dégâts. Au fil des treize titres, on ferme les yeux et on s'éloigne «à cheval sur l'impossible» comme il le chante. Le changement est ailleurs. La mélancolie du mec qui a chanté l'Enfant seul est quasi absente. Et les productions ambiancent les corps et les esprits. «L'album est positif, sincère, musicalement accessible: j'ai voulu prendre un maximum de plaisir», argumente l'artiste.
Oxmo Puccino a ouvert les yeux, au milieu des années 70, au Mali, dans la ville de Ségou. Il a posé sa voix, pour la première fois sur le beat, au début des années 90 à Paris. C'est à cette période qu'il a troqué son blaze officiel pour son nom de scène: Oxmo pour le graphisme, Puccino pour son admiration envers les gangsters italiens à la Scorsese. Dans la vie, comme derrière le micro, Abdoulaye Diarra choisit chacun de ses mots avec soin. De temps à autre, on se perd dans ses lyrics: les portes d'accès de son monde ne sont pas toujours accessibles. Il décrit, «presque tous les jours» son univers sur un bout de feuille: il empile les titres et finalise un scénario pour le cinéma. Selon ses proches, «parfois c'est fatigant lorsqu'il prend la tangente. Il n'est plus avec toi, mais c'est dans ces moments-là qu'il est le plus créatif».
Dans la Voix lactée, Oxmo Puccino, cause simplement du «vivre ensemble». Il replonge dans une période formidable, la France post 98 et les deux pions de Zidane en finale de Coupe du monde. Un temps lointain. Aujourd'hui, on traverse une période qui flirte dangereusement avec les extrêmes. «J'ai toujours abordé le sujet du vivre ensemble dans mes chansons, mes disques. Mais c'est vrai que je n'ai jamais été aussi clair», dit-il sans en faire des caisses. Du style, l'artiste engagé au studio. Sur le bitume, par contre, il vient de mettre au monde une association avec ses deux frangins, l'un dans le basket, l'autre entrepreneur, pour aider les plus jeunes sur la route de leurs ambitions.
Chose rare, Oxmo Puccino, le pacifiste, très loin des bisbilles derrière le mic, règle des comptes dans son album. Le morceau se nomme, le Marteau et la plume. Il débute de cette manière: «La plume est revenue du futur, sûrement, moins indulgente, voir que des râleurs dans le rap ça manque d'intelligence, ignorants.» Un message aux derniers arrivants, et aux autres, ceux qui jugent sa trajectoire, ses choix et sa curiosité musicale. Entre les lignes, Oxmo Puccino met en lumière son passé lumineux et son présent sans fin.