«C'est avec une profonde tristesse que j'écris au nom de la famille Masur et du New York Philharmonic que Kurt Masur, qui fut notre directeur de la musique de 1991 à 2002 et garde ce titre émérite, est décédé le 19 décembre 2015», a annoncé le président du New York Philharmonic, Matthew VanBesien, dans un message.
Kurt Masur avait annoncé en 2012 qu’il était atteint de la maladie de Parkinson. Né en Silésie en 1927, Masur a dirigé plusieurs des très grands orchestres internationaux, notamment le philharmonique de New York (1991-2002), l’Orchestre National de France (ONF) à Paris (2002-2008) et l’orchestre philharmonique de Londres.
Né dans l’actuelle Pologne en 1927, Kurt Masur est devenu une star internationale en ex-RDA, où il a dirigé l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig de 1970 à la chute du Mur de Berlin, avant d’être encensé partout dans le monde et notamment à New York. Venu très tôt à la musique, ce fils d’ingénieur, né en 1927 en Silésie (une région alors allemande mais aujourd’hui polonaise), est devenu après-guerre une personnalité incontournable de l’Allemagne de l’Est communiste, qui lui a décerné de nombreuses distinctions.
900 concerts dans le monde
Le chef a très tôt parcouru le monde, donnant plus de 900 concerts y compris aux Etats-Unis, dès les années 70 et a multiplié les enregistrements. Avec une prédilection marquée pour le répertoire romantique ou postromantique, Mendelssohn, Tchaïkovski et surtout Beethoven, à propos duquel il déclarait à Libération en 2002, alors qu'il prenait la tête de l'Orchestre national de France : «Beethoven demeure le cœur de la musique symphonique, chaque orchestre se trouve nu devant lui. Il y a une façon de le jouer qui n'est pas routinière. Ça demande du travail, mais ça vaut le coup.»
Le Silésien, qui prenait plaisir à diriger sans partition ni baguette, aurait voulu suivre une carrière de pianiste, mais deux opérations à la main gauche, qui souffrait de contractures, ont contrarié cette vocation. Le jeune chef, fils spirituel de Fürtwangler et Bruno Walter, a commencé par diriger des opéras, mais s'en est vite éloigné, peu en phase avec les volontés modernistes de certains metteurs en scène. Il était avant tout humaniste, et recherchait dans ses directions des «émotions honnêtes», comme il qualifiait le travail de Walter.
Masur avait aussi un appétit d’ouverture, que ce soit aux jeunes générations (Hélène Grimaud, Fazil Say…), mais aussi au jazzman Wynton Marsalis, qu’il avait invité au 100e anniversaire de la naissance de Duke Ellington avec le New York Philharmonic.
«Réalité effrayante»
Longtemps après la réunification, Masur a expliqué «avoir vécu dans un Etat où on te disait sans cesse ce qui était bon pour toi, ce qui était mauvais pour toi, et où on voulait par-dessus tout présenter l'Ouest comme une réalité effrayante». Il concédera n'avoir pris conscience que tardivement de cette oppression intellectuelle. En 1989 lors de la chute du Mur de Berlin, il avait transformé le siège de son orchestre de Leipzig en foyer de la contestation.
Il s’est ensuite installé à New York, où il a pris la direction du Philharmonique de la ville de 1991 à 2002, puis à Paris, où il a dirigé l’Orchestre national de France à partir de septembre 2002 jusqu’à 2008. C’est en tant que directeur musical honoraire de l’ONF qu’il avait chuté accidentellement du podium où il dirigeait l’orchestre au Théâtre des Champs Elysées en avril 2012, se fracturant l’omoplate.
Lundi 21 décembre, France Musique prévoit une journée d'hommage en son honneur. Dans un monde qu'il jugeait «dangereux, surtout pour les jeunes», Masur faisait de son métier une mission, comme il le déclarait à Libération : «Les gens continuent à venir aux concerts, à chercher dans ces œuvres atemporelles la réponse à leurs questions sur la vie et la mort. A nous d'essayer de transmettre des messages de vie.»