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Prémisses

David avant Bowie, l'aube d'une star

La mort de David Bowiedossier
Avant les stades, avant la gloire, avant Bowie, il y avait David Robert Jones. Retour sur les années du chanteur anglais avant qu'il ne devienne une star.
Devant la résidence new-yorkaise de David Bowie, ce lundi. (Photo Louis Lanzano. AFP)
publié le 11 janvier 2016 à 17h00

«Je pense que nous sommes tous des gens plutôt tolérants, mais, ces dernières années, nous avons eu droit à des commentaires comme "Darling !" ou "Je peux porter ton sac à main ?", et je pense que cela doit s'arrêter». L'image est connue au-delà du cercle des fans hardcore du Thin White Duke. David, pas encore Bowie mais Jones, n'a que 17 ans lorsqu'il apparaît pour la première fois à la télévision, sur la BBC, en tant que porte-parole de la Société pour la prévention des violences envers les hommes aux cheveux longs.

Nous sommes en novembre 1964, la vieille Angleterre a du mal à supporter ses jeunes, si sales, si laids. Deux ans plus tôt, le natif de Brixton, Londres, troquait son saxophone en plastique, dont il jouait avec un insolent talent selon ses professeurs, pour un vrai. La musique, il la dévore. Depuis la première écoute de Hound Dog d'Elvis Presley, de Fats Domino et de Little Richard, mais aussi de Mingus et Coltrane. Il veut être musicien et fait ses armes dans divers petits groupes. Le tout premier, The Konrads, le voit côtoyer un ami du lycée, George Underwood, pas encore l'illustrateur aux manettes des pochettes de Hunky Dory et Ziggy Stardust, mais, pour l'heure, musicien médiocre, très proche de Bowie au point de se battre avec lui pour une fille, laissant au musicien un œil bien amoché et d'une autre couleur. Non, il n'avait pas les yeux vairons. Mais ici, dans la cour de récréation, en 1962, la légende écrit ses premières lignes.

Incarner des personnages

Jones se cherche, enchaîne les groupes (King Bees, The Manish Boys, The Lower Third) avant de se lancer en solo. En février 1966, le Melody Maker lui consacre quelques lignes. On y apprend qu'il travaille sur la musique d'émissions de télévision, mais est également designer pour John Stephen, une figure de la mode de l'époque, surnommé The King Of Carnaby Street. Dans ces pages, il déclare «I want to act». Et non «I want to play». Il veut incarner des personnages. En 1967, il fait la connaissance de Lindsay Kemp, professeur au rôle crucial qui lui permettra d'apprivoiser son corps et d'en faire un instrument d'expression scénique et de communication (les danseurs de Kemp apparaîtront dans le clip de John I'm Only Dancing).

Bowie se cherche, et le succès avec. Ces dernières années, il a pas mal traîné avec Marc Bolan, futur chanteur de T-Rex. La légende veut que les soirées des années 1965 et 1966 voyaient les deux compères, rêvant de lendemains qui chantent pour les foules, tuer le temps en allant fouiller les fripes de Carnaby. Bowie voudrait marcher dans les pas de Scott Walker, et s'imagine chanteur de charme. Scott Walker ! Bowie l'a découvert quand il sortait avec une ex de l'artiste, membre du trio de faux frères The Walker Brothers. Une énorme star à l'époque. L'aspirant artiste n'est alors qu'une épaule sur laquelle pleurer, mais la découverte de Walker lui inspirera un amour pour Jacques Brel (The Port Of Amsterdam) et, surtout, un style vocal.

Comptines légères

Désormais Bowie afin d'éviter la confusion avec le chanteur des Monkees, Davy Jones, il publie en avril 1967 The Laughing Gnome. De l'aveu des fans, ce qu'il sortira de moins audible (quelques années plus tard, en 1990, la star demandera à ces derniers de voter par téléphone pour choisir les titres de la tournée à venir, mais quand The Laughing Gnome sortira en tête, il refusera de la jouer). Son premier album, du même nom, sort six semaines plus tard. Une collection de comptines légères, brouillonnes et anecdotiques, qui ne séduira ni les charts, ni les critiques, ni les Beatles, qui, en 1968, refuseront de signer Bowie sur leur label Apple. Il tente la même année une adaptation du Comme d'Habitude de Claude François. Une ébauche récupérée et achevée par Paul Anka qui deviendra un tube. Pile ce qui lui échappe. Encore et encore.

Début 1969, Bowie cachetonne en apparaissant dans une pub pour les glaces Lyons Maids, mais est refusé pour une autre par Kit Kat. Le 11 juillet 1969, cinq jours avant le lancement de la mission Apollo 11, Space Oddity atteint la cinquième place des charts anglais.