Dans les années 90, les soirées Cheers avaient pris leurs quartiers dans différents clubs parisiens : de l'Erotika à Pigalle au parquet du dancing de la Coupole à Montparnasse. C'était il y a vingt ans. On y allait pour le son house/garage/disco et, de fait, pour danser sans relâche. Cofondateur des CHEERS avec Greg Gauthier, Sven Løve, auteur, scénariste (il a coécrit Eden, qui retraçait son histoire, avec Mia Hansen-Løve, sa sœur) DJ et producteur, a choisi de célébrer le souvenir de ces nuits épiques, lors d'une grande fête au Badaboum samedi, et, ici même, dans une playlist précise et très commentée, où il revient sur les morceaux phare de cette époque bénie.
Il lancera bientôt (26 mars), à la Maison Sage, près de la place de la République, à Paris, une nouvelle soirée garage mensuelle.
Les vingt ans des soirées CHEERS, samedi, au Badaboum, 2 bis, rue des Taillandiers, XIe arrondissement de Paris.
Voices – Voices In My Mind (New York Mix - 1996) Sound Of Ministry
«La quintessence du morceau Garage à chanteurs multiples… Produit par les Masters At Work – l’incontournable duo new-yorkais. Dans ce titre, un trio de chanteurs gospel et latino entrelace leurs voix : India, Michael Watford et Connie Harvey, mus par une sorte de quête commune, spirituelle et organique. La basse lancinante préfigure les basses électroniques des années 2000. Le morceau sort au moment même où l’on entame la première décennie Cheers, son empreinte sur la soirée est encore palpable de nos jours.»
Jasper Street Company – A Feelin’ (1995) Basement Boys Records
«Autre morceau à voix entremêlées… Les membres de la chorale gospel de Baltimore rivalisent d'intensité dans une battle enflammée sur un clavier hypnotique. Le morceau avec son efficacité House est très en avance sur son époque. J'aurais pu choisir un autre titre des Jasper, tant nous avons joué leur répertoire avec Greg [Greg Gauthier, son acolyte des soirées Cheers, ndlr]. Toutefois, celui-ci me paraît un choix judicieux : toujours aussi électrisant en 2016.»
Ann Nesby Let Your Will Be Done (2002) Universal Records
«Titre plus tardif, traditionnel et gospel – on l'aura compris, le gospel a constitué l'influence majeure du garage, ainsi de la musique des soirées Cheers. Ann Nesby est une chanteuse littéralement possédée, un des timbres de voix les plus impressionnants du genre. J'espère qu'un jour nous aurons l'occasion de l'inviter à se produire à la soirée. Quoi qu'il en soit cette chanson est vraiment essentielle à nos yeux (ou nos oreilles).»
Be Be Winans – Thank You (1996) Masters At Work Records
«Maintenant nous abordons le côté plus soulful du Garage (ou du garage, il n'y a pas vraiment de règle), une appellation qui n'a émergé que peu à peu dans les années 90 jusqu'à devenir un genre à part entière. "Soulful" cela veut dire "en prise directe avec la soul music", celle des maîtres comme Marvin Gaye, Curtis Mayfield et consorts. Le tempo a été accéléré, pour le bonheur des clubbers et breakers. Une production emblématique des Masters At Work, qui associe émotion et grâce.»
Me’Shell NdegéOcello – Earth (Ben Watt Lazy Dog remix, 2002) Maverick
«Une approche plus pop, ce qui n’est guère étonnant puisque ce remix est l’œuvre (le chef-d’œuvre) de Ben Watt, membre du groupe pop 90’s Everything But The Girls, reconverti en producteur house et DJ des mythiques soirées Lazy Dog. Il faut avoir entendu ce remix lors d’une Cheers pour ressentir le souffle quasi épique qui s’en dégage.»
K.C.Y.C. – I’m Not Dreaming (1993) Strictly Rhythm
«C'est vraiment parce qu'il fallait choisir un seul morceau de Kerri Chandler… J'ai gardé une affection particulière pour celui-ci, pour la simple raison que c'est un des tout premiers disques achetés avec mon argent de poche ! Pour autant, il résume parfaitement le style de Kerri (première vague) : minimal, soul, percutant, une voix d'un autre monde et une simplicité sidérante dans son exécution. Kerri prendra par la suite une direction plus deep et électronique, mais il lui arrivera toujours de produire quelques tueries garage comme celle-ci.»
CeCe Peniston - He Loves Me 2 (1999) Silk Entertainment
«Morceau chouchou de la soirée, produit par Steve Silk Hurley, autre producteur fameux de l'époque. Steve Silk Hurley a quasi disparu de la scène quand d'autres ont réussi à s'installer sur la durée. Je l'imagine parti vers d'autres horizons musicaux. La chanteuse, quant à elle, fut presque mainstream à un moment, lorsque son tube Finally envahit les radios internationales – à l'époque où la dancemusic orientée pop pouvait encore engendrer de futurs classiques. Très basique et rough, il met en valeur la voix de Ce Ce Peniston, semblant n'être posée que sur un simple beat – simple en effet mais redoutable. Un bridge au milieu du morceau nous permet de le faire reprendre en chœur par le public de Cheers – une chorale improvisée et délirante. Récemment j'ai eu le plaisir en le jouant auprès d'un public très jeune de constater que la recette fonctionnait toujours aussi bien. Je crois savoir que pas mal de couples se sont formés à l'écoute de cette chanson. C'est la magie des soirées.»
Jill Scott – He Loves Me (2001) White label
«On arrive aux années 2000 et le choc du 11 septembre. La musique a perdu en gaieté, en innocence, une sourde mélancolie apparaît désormais dans les productions, qui donnent la part belle aux remixes des divas soul, nouvelle génération – telle l’inénarrable Jill Scott. Au fond le remix ne fait que réinterpréter l’original, version House, mais je trouve que cela fonctionne encore mieux, comme si le morceau était intrinsèquement danceflloor. Dj Spen, David Harness, Scott Wozniak, Darryl James sont les chantres de ce nouveau genre de remixes 2.0., souvent non officiels. Ces titres feront les meilleures heures des Cheers au dancing de la Coupole.»
Blaze - How Deep Is Your Love (2001) Shelter Records
«C'eût été un crime de ne pas citer Blaze, dont on a joué à peu près tous les disques au fil des ans. Duo new-yorkais, proche musicalement des Masters At Work, à ceci de différent que l'un est aussi DJ (Kevin Hedge) et l'autre, chanteur (Josh Milan, et quelle voix…). Les deux sont des musiciens fins et inspirés. Ils eurent même leur heure de gloire pop avec le titre Lovelee Day qui fut intronisé dans les charts, grimpant jusqu'au top 10 anglais. C'était l'époque… J'ai choisi How Deep Is Your Love mais il y en a tellement…»
S3 & The Truth – Said I Wasn’t Going To Tell Nobody (2002) Yellorange
«Sorti sur le regretté et vénérable label Yellorange, pour moi un des labels les plus lumineux du début des années 2000, il remit au goût du jour le Garage gospel – peu surprenant, le label est la création (le bébé) de Tony Humphries, le pape du genre. S3 & The Truth à l’origine c’est aussi une véritable chorale ; d’ailleurs la chanson est à peine House – tout juste si l’on distingue un beat délicat, et pourtant, sur le dancefloor des Cheers, il déclencha les passions. Cela tient certainement à sa mélodie extrêmement accrocheuse et sing-along. Frissons garantis.»