Mai 68 au Japon, étudiants et ouvriers s'allient en divers endroits pour lutter contre une politique toujours dictée par l'occupant américain et un volontarisme technologique et économique sans pitié. Le climat de fièvre universitaire et sociale est favorable à une attitude de défi aux règles de bienséance qui prévalent dans une société nippone corsetée, y compris dans un rapport complexe, ambigu à la culture américaine, s'exportant massivement depuis les années 50 par le canal d'une armée de vainqueurs qui veulent aussi gagner la conquête des esprits. En 1968, Daido Moriyama, né à Osaka, a alors 30 ans et il se greffe sur un collectif avant-gardiste qui va sortir trois numéros d'une revue légendaire (mise en page, photos, idées, tout), Provoke, tirée à 1 000 exemplaires. Moriyama ne sait pas encore qu'il va devenir un des plus grands photographes de son pays, bousculant le regard avec ses clichés à l'instinct, glanés au gré de ses errances dans les rues chaudes de Tokyo. La Fondation Cartier, en invitant Daido Moriyama, 77 piges, à exposer son travail en couleur, convie en ses murs un artiste de la génération et de la carrure historique d'un Nobuyoshi Araki (lequel sera lui aussi exposé à Paris, mais début avril au musée Guimet), sans doute plus connu, lui, du grand public.
Libération a eu la chance de pouvoir rencontrer Daido Moriyama et il nous a paru important, à travers les pages qui suivent, de donner à voir aux lecteurs quelques aspects de son travail éblouissant. Notons enfin que la revue Provoke, matrice de son regard, fera à son tour l'objet d'une expo spécifique au BAL, en septembre.