Love, c'est simple comme bonjour : Gus est prof et tente tant bien que mal de faire cours à des enfants-acteurs, qui le font tourner en bourrique en l'obligeant à regarder des vidéos virales de chatons au lieu de travailler. Il vient de se faire larguer par sa copine, qui a préféré lui dire qu'elle l'avait trompé plutôt que de lui avouer la vérité. Soit qu'il est juste trop neuneu, trop gentil et aussi un peu trop nerd sur les bords. Mickey, elle, a un joli minois tout lisse et tout blond de pom pom girl, mais ment honteusement à ses réunions d'alcooliques anonymes en prétendant être sobre. Elle aime les bad boys, la fête et la défonce.
Voilà. On l'aura compris, ils sont aux antipodes l'un de l'autre, n'ont rien pour se plaire. Prémisse de comédie romantique classique, c'est aussi (surtout) un tremplin idéal pour scanner les us et coutumes en matière de dating des trentenaires américains, et même californiens, car le mode de vie faussement émollient des faubourgs d'Echo Park, quartier hipster de Los Angeles, y a son importance.
Un geek, une freak
On aurait pu imaginer Love comme un spin-off pour «jeunes adultes» aux histoires d'ados attardées de Girls (déjà une production de Judd Apatow), mais pas tant que ça. Co-écrite par Apatow et Paul Rust, qui interprète Gus, la série est plutôt une sorte de suite possible à Freaks and Geeks, la chronique des années lycée jadis conçue par le réalisateur de Crazy Amy avec Paul Feig, sur une saison, en 1999-2000. Gus le geek et Mickey la freak pourront-ils s'aimer ? Quand on sait que Gus est du genre à improviser des bœufs le samedi après-midi avec ses potes pour inventer des chansons-titre à des films qui n'en ont pas, comme En pleine tempête de Wolfgang Petersen, on se dit que ce n'est pas gagné, mais aussi que l'ascendance Freaks and Geeks est bel et bien là.
Même si ce qui se joue entre hommes et femmes n’est pas toujours rose et repose beaucoup sur le rendez-vous manqué, l’impossibilité d’établir une connexion malgré des dizaines de textos inutiles échangés chaque jour, il y a une douceur dans le traitement des intrigues et un laisser-aller (attention, ce n’est pas péjoratif) dans le rythme des épisodes qui infusent joyeusement.
Il y a vingt ans, un tel pitch aurait donné lieu à une sympathique sitcom menée tambour battant, type Will and Grace. Mais à l'époque, on n'aurait pas vu comme ici un rancard catastrophique se dérouler en temps réel sur presque la durée d'un épisode, nous vaccinant contre tout malaise amoureux futur, ou un gars et une fille faire connaissance en parlant de thrillers érotiques hollywoodiens dans tout Echo Park pendant sept minutes trente. Et c'est à la fois beau et réjouissant quand cela arrive.
Au travail
Dans une sitcom ou un récit plus à l’ancienne, on ne décèlerait pas non plus un rapport aussi précis des personnages principaux à leur travail. Si ce n’est dans les séries sur les médecins ou les avocats, les héros ont toujours un métier d’arrière-plan aussi vague et anecdotique que possible. Ici, le travail occupe une place importante. On voit Gus et Mickey dans leurs environnements professionnels respectifs, avec vrais collègues, vrais problèmes et vraies frustrations afférentes. Ces dernières n’arrangeant pas, bien sûr, la relation à deux.
Ainsi, plutôt qu'une série sur l'Amour, Love est surtout une longue (et drôle) variation sur l'attente amoureuse, la vraie, celle qui vous fait regarder votre portable à la moindre vibration. Et sur le décontenancement abyssal qui s'empare du pauvre hère ayant attendu le SMS d'une fille pendant toute la journée, alors que c'est finalement un ami qui lui écrit : «Hé, je viens de croiser Snoop Dogg au Chipotle ! Smiley».