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Jon McNaught, points de détails

Mélancolique, le bédéaste trentenaire de Bristol publie trois ouvrages minimalistes et délicats chez Dargaud.
publié le 19 février 2016 à 19h21

«Parfois on se sent tout petit dans le monde, comme un nain dans le paysage.» Au téléphone, la voix douce de Jon McNaught nous parvient dans un murmure, au diapason de son trait délicat et de ses petits personnages figés dans un ennui et une solitude quasi muette. Découvert au festival d'Angoulême en 2013, où il avait obtenu le prix Révélation, il publie depuis plusieurs années déjà des BD raffinées chez l'excellent éditeur anglais Nobrow. Après que ce dernier a interrompu sa tentative de publications en français, Dargaud prend la relève en sortant trois de ses ouvrages.

Dans Automne, on suit à la dérobée le quotidien d'un jeune employé de cuisine dans une maison de retraite. Le petit format Dimanche laisse libre cours au spleen des fins de week-end, incarné par deux ados observant la vie du quartier, perchés sur un toit d'où ils voient passer tour à tour une montgolfière, des nuages protéiformes et un couple qui bronze. Ces nouvelles à peine ébauchées forment des miniatures pointillistes qui rappellent à l'auteur le «choc poétique» ressenti ado à la lecture de Jimmy Corrigan, récit au minimalisme claustrophobe de l'Américain Chris Ware publié au début des années 2000.

Né en 1985 dans le sud de l'Angleterre, Jon McNaught a vécu enfant plusieurs années aux Malouines. Il a bâti le troisième recueil publié ce mois-ci, Histoires de Pebble Island, autour de souvenirs et de clichés familiaux associés à cette morne terre inhospitalière et battue par les vents. Avec un soin maniaque porté aux détails, ces récits graphiques sont structurés par l'irruption de la technologie en contrepoint à la plénitude de la nature. «Les comics sont le médium idéal pour transmettre des expériences très différentes sur une même page, de la pop culture au paysage. Je dessine tout dans un même style et je m'intéresse autant à un panneau d'affichage dans la rue qu'à un arbre», observe-t-il. Rentré au bercail, McNaught a étudié l'illustration à Bristol, où il vit toujours et enseigne désormais. Il s'est formé à l'imprimerie de l'université où il a passé le plus clair de son temps à concevoir des lithographies et des gravures avant d'être embauché comme technicien sur place. Une pratique déterminante pour son style : «Je dessinais déjà comme cela à l'époque, j'ai imprimé mes propres BD avec trois couleurs. Maintenant je finis sur Photoshop», précise-t-il.

Après des débuts dans l'illustration jeunesse, il a eu pour mentor Tom Gauld (Goliath, éd. l'Association), auteur d'un cartoon hebdomadaire à l'humour pince-sans-rire dans le Guardian. «Ces temps-ci, je suis fasciné par les natures mortes de la dessinatrice canadienne Leanne Shapton, qui a peint pendant un mois une série méditative sur les produits de beauté dans sa salle de bains, par exemple.» Dispersé, il confie avoir du mal à achever son prochain ouvrage, prévu pour 2017, qui évoquera avec son anti-héroïsme habituel le décor d'une colonie de vacances en bord de mer.