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Les hôtesses de l'air ont d'autres soucis que le voile

Toute ressemblance avec des personnes et des situations existantes n'est pas pure coïncidence dans la socio-bd de Baptiste Virot et d'Anne Lambert sur le personnel navigant d'«Air Fonce».

Images extraites de «Turbulences», Virot et Lambert. (Casterman)
Publié le 06/04/2016 à 14h51

La question du voile obligatoire pour les hôtesses de l'air d'Air France effectuant la liaison Paris-Téhéran a accaparé l'attention cette dernière semaine. Pourtant, c'est sans doute loin d'être le principal problème du personnel navigant de la première compagnie aérienne française. La bande dessinée Turbulences de Virot, adaptée d'une enquête sociologique d'Anne Lambert, vient mettre au bon moment en lumière des professions souvent fantasmées par les passagers.

A travers un vol témoin Paris-São Paulo de la compagnie «Air Fonce», les deux auteurs mettent en scène une journée-type des hôtesses, stewards et pilotes, entre «Sylvie, 40 ans, hôtesse de l'air, divorcée, a la garde de ses enfants» ou Martin, «52 ans, pilote, divorcé». De manière plutôt drôle et juste, cet album de la collection «Sociorama», dont nous vous parlions en janvier, permet de découvrir la vie très hiérarchisée socialement dans la carlingue. Il y a le pilote tout puissant et son très haut salaire (ici, 18 800 euros net mensuels), la copilote obligée d'en faire deux fois plus et deux fois mieux pour être acceptée car c'est une femme, les hôtesses qui ont le devoir de toujours sourire même face à des désobligeants PAXI, le nom donné aux «passagers indisciplinés», rangés en plusieurs catégories. Les «Paxi 1» sont chiants mais inoffensifs, les 2 sont «turbulents», les 3 sont «dangereux».

Virot et Lambert montrent bien les désavantages d’un métier difficile, surtout pour le personnel navigant commercial, les horaires décalés qui compliquent la vie de famille, l’obligation d’être debout la plupart du temps, la répétition des gestes mais aussi les avantages comme les salaires encore élevés aujourd’hui malgré les réductions d’effectifs imposées par la direction.

De plus, alors qu'on aurait pu imaginer que ce sont des équipes qui travaillent souvent ensemble, c'est tout le contraire. Le «Planning», sorte de Moloch moderne, est «une énorme machine qui calcule le planning de 20 000 navigants de la compagnie : spécialisation machine, congés, jours de repos, disponibilité pour enfants malades, etc.», nous explique Turbulences. «Mais surtout, le Planning fait en sorte que les navigants ne retravaillent jamais ensemble afin de : rester ultra-vigilants en vol et de ne pas créer une routine de travail ; éviter trop d'autonomie et les revendications du personnel ; limiter les plans cul au sein de la compagnie.» Même très haut dans le ciel, la logique capitaliste est reine.