Gourou débonnaire installé sur un ballon de gym, Julien Fournet convie les spectateurs à trois micro-conférences buissonnières en forme d'état des lieux de la culture. Pas des états généraux au sens strict mais une «classe verte» qui mêle habilement dialogue philosophique et discussion digressive à bâtons rompus. Il convie ainsi les spectateurs à participer, à retirer leurs chaussures, à s'ébrouer sur des coussins moelleux pour la pratique d'un «massage oral» ou à une dégustation de tisane ayurvédique.
L'artiste, en résidence au Phénix de Valenciennes, est membre de l'Amicale de production, collectif frondeur, auteur entre autres de Germinal, et composé de têtes bien faites issues de la philo, des arts plastiques et de la com. Avec le même esprit hétéroclite et foutraque qui présidait dans son Jeu de l'oie du spectacle vivant à la déconstruction de la préparation d'un spectacle, le tribun Fournet entreprend de répondre à plusieurs questionnements répertoriés en trois parties : la culture est-elle dangereuse ? Qui prend part à l'experience esthétique ? Quid de la liberté de création ?
«Forêt de la culture, bassin de la morale»
«Les spectateurs sont les prolétaires du spectacle, ils sont aliénés», avance-t-il en préambule à la conférence «Spectateurs de tous les pays, unissez-vous». Cette pensée bien ordonnée reprend les dispositifs narratifs élaborés par l'Amicale de production afin de traduire plus aisément sur scène les architectures mentales à l'aide, par exemple, de graphiques représentant «la forêt de la culture» ou «le bassin de la morale». Le public se laisse ainsi guider au fil de la parole par un cheminement visualisé sur l'écran à l'aide de powerpoints hilarants. Avec Julien Fournet pour guide spirituel convoquant Deleuze, Spinoza ou Nietzsche, cette tentative de cartographier la culture par des chemins théorico-ludiques désacralise la figure toute puissante de l'artiste. Dans sa forme, ce projet savant et métaphorique répond aussi en creux au TED talk, érigé comme indépassable modèle d'une parole publique empathique et parfaitement calibrée.
Amis, il faut faire une pause, Julien Fournet, du 8 au 10 avril à Créteil (festival EXIT).