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Nuits sonores, épisode 3 : «Les spectateurs sont plus ouverts qu'on ne peut le croire»

Christophe Chassol, Konono n°1, Weval ... Choses vues et entendues à la 14e édition du raout techno lyonnais. Vendredi, troisième jour.
Vendredi 7 mai au Festival Nuits sonores. Ici le groupe néerlandais Weval. (kevinBUY// youcantbuybuy.com)
publié le 7 mai 2016 à 15h08

Quiz express : Chassol

Invité par Laurent Garnier pour sa carte blanche, Christophe Chassol a joué Big Sun, création qui fait dialoguer les images de la Martinique avec ses trouvailles sonores génialement ouvragées. Chant du merle, confidences en créole ou ambiance de carnaval sont autant de matière poétique qu’il harmonise au piano avec le soutien d’un batteur menant les déhanchements du public à la baguette. Rencontre après le concert dans sa loge où une enceinte crachait du Magma.

Des spectateurs qui ne connaissaient pas ce projet ont été surpris au début du concert ce soir, s’en prenant même aux oiseaux qu’on entend au début. Est-ce plus complexe de jouer cette création en festival ?

Ce début avec les colombes puis le merle, c’est un contrat psycho-acoustique passé avec le public. Je fais une boucle concrète et l’augmente, ce qui peut faire le vide. Mais si ça passe, les gens comprennent vite quel va être le système. Même si les spectateurs ont hâte d’entendre le beat, le kick, ils sont plus ouverts qu’on ne peut le croire. Avant je faisais des boucles de 45 minutes, puis je me suis rendu compte qu’il fallait parler aux gens. Certes j’aime Fluxus mais il faut essayer d’être Michael Jackson ou Steve Reich, qui ont su réunir tout en étant radicaux.

Quelle salle de concert européenne vaut tous les déplacements ?

J’aime l’Ancienne Belgique à Bruxelles, mais le concept de la performance, c’est que ça change tout le temps, donc un lieu n’est jamais tout à fait le même. Je préfère généralement les petites salles, quand les gens voient ce que je fais, c’est aussi mon passé punk qui veut ça.

De quel titre ne pouvez-vous pas vous passer en ce moment ?

De Futura de Magma : ce sont 17 minutes qui changent la vie ! La ligne de basse est violente et sophistiquée, ce titre est à la fois nihiliste et profond dans son côté obscur.

Qui incarne le mieux le son de notre époque ?

Certainement Kendrick Lamar car la culture américaine dicte encore notre culture pop. Il a tout gagné et réconcilié tout le monde, il y a du sens dans ses textes et il ne se fout pas de la musique. Alors que les chanteurs de variété semblent n’en avoir rien à faire de la musique, c’est bien pour ça que je n’en écoute pas. Dans la musique de film, Jonny Greenwood - aussi guitariste de Radiohead - apporte quant à lui du neuf tout en conservant un certain classicisme.

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C'est conceptuel

Tournis collectif dans la Halle 2 du Marché de Gros où le producteur londonien James Holden présentait son nouveau live avec le percussionniste Camilo Tirado, quelques mois après une première à la Gaité Lyrique. Inspirée par Terry Riley, la création Outdoor Museum of Fractals explore les hasards de la musique avec un minimalisme qui n’a fait ni fuir ni beaucoup danser le public, les yeux rivés sur le carrousel lumineux posé près des machines. Happant, le motif répété par Holden et son comparse réussit toutefois à rendre les gens fous dès qu’une variation en volume ou mélodie interrompt son manège.

Coups de cœur polyrythmiques

La soirée était percutante : le collectif congolais Konono n°1 continue depuis les années 70 de planter ses mégaphones sur scène et faire opérer sa magie avec ses likembés, des sortes de xylophones à la résonance singulière qui se jouent aux doigts. L’énergie de leurs danseurs s’est propagée comme une grippe dans un public déjà marqué par le passage fiévreux et plus punk des autres Congolais Mbongwana Star, qui mêlent percussions traditionnelles et hip-hop. Les polyrythmies endiablées ont pris des airs de carnaval avec Ninos du Brasil, deux Italiens se rêvant sur un autre continent. En formule batterie, chant et confettis, puis rejoints par le collectif marocain Mémoires d’avenir, ils ridiculisent les frontières et se passent de visas.

L'espoir du soir

Les Néerlandais de Weval, dont le premier album sortira le 10 juin sur le label Kompakt, ont plongé la gigantesque Halle 1 dans un bain de lumière rose, adoucissant la nuit l’espace d’une heure d’électro synthétique aux basses radieuses. Il y a quelque chose de positivement emo dans leur musique ponctuée de voix qui semblent sortir d’un futur album de Air. Le public, relâché, le leur a bien rendu.