Ce n'est certes pas la plus consommée, mais elle est clairement en train de faire son retour en Europe : la MDMA (méthylènedioxyméthamphétamine), molécule de la famille des amphétamines présente dans l'ecstasy, est de plus en plus consommée ces dernières années, en particulier par les moins de 35 ans, selon le rapport annuel de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). Ainsi, le cannabis reste la drogue la plus utilisée en Europe (51,4 millions d'hommes et 32,4 millions de femmes entre 15 ans et 64 ans y ont goûté au moins une fois dans leur vie). Viennent ensuite la cocaïne (17,1 millions d'adultes en ont déjà pris), puis la MDMA, déjà testée par 13 millions d'Européens adultes. Et sur les 2,5 millions d'utilisateurs de cette substance, au cours de l'année passée, l'écrasante majorité (2,1 millions) a entre 15 ans et 34 ans. 1,7% de cette tranche d'âge a déjà essayé la MDMA. En France, ce taux atteint 2,3%, voire 3% chez les 15-16 ans.
Pourtant, cette «drogue de l'amour», aujourd'hui de plus en plus présente, était pratiquement tombée en désuétude au cours des années 2000. Mais depuis 2010, la tendance semble s'inverser. Ainsi, dès 2013, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) observait une «timide réapparition observée dès 2011-2012 dans plusieurs zones géographiques (Bretagne, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais et surtout, de l'autre côté de la frontière belge, dans les megadancings fréquentés par de nombreux Français)». Ce retour en grâce s'est poursuivi depuis. Comment l'expliquer ?
«Un marketing sophistiqué»
On pourrait presque parler de relooking. Alors que dans les années 90, elle était associée aux rave et soirées techno, la MDMA-ecstasy d'aujourd'hui «n'est plus une drogue de niche ou liée à une sous-culture, note l'OEDT dans l'édition 2016 de son rapport. Sa consommation ne se limite plus aux clubs et aux soirées "dance", elle touche une gamme plus vaste de jeunes gens dans des lieux de vie nocturne courants tels que les bars et les fêtes à domicile».
Pour le docteur Laurent Karila, psychiatre, addictologue et porte-parole de l'association SOS Addictions, on pourrait même parler de «marketing de rue» : «Entre l'ecstasy et la MDMA, il s'agit beaucoup d'une différence de présentation. Le produit est par ailleurs moins coupé aujourd'hui», observe-t-il. Et tandis que dans les années 90, il circulait surtout, voire exclusivement sous forme de comprimé coloré, il «est désormais également de plus en plus souvent disponible sous forme de "cristal" ou en poudre», sniffé ou avalé dans un «parachute» (souvent formé avec du papier à rouler), note l'OEDT, pour qui «il pourrait s'agir d'une stratégie délibérément mise en œuvre par les producteurs afin d'améliorer la réputation de cette drogue après une longue période pendant laquelle sa piètre qualité et son adultération se sont traduites par une diminution de sa consommation».
«Une nouvelle offre en ligne»
Surnommée «drogue de l'amour», la MDMA est recherchée pour son «double effet stimulant et empathique», explique Laurent Karila. Et elle est souvent consommée en même temps que l'alcool ou d'autres substances. Mais pour le spécialiste, l'attrait des moins de 35 ans pour ces produits de synthèse est aussi dû à «une nouvelle offre en ligne», qui les rend aisément accessibles, à des prix équivalents à un verre d'alcool en soirée (entre 5 euros et 10 euros par comprimé). «Les produits du cannabis et la MDMA sont considérés comme les drogues illicites les plus fréquemment proposées à la vente sur les marchés des "darknets"», renchérit l'OEDT.
L’illusion de la non-addiction
La MDMA a la réputation de provoquer assez peu d'addiction, ce qui, pour Laurent Karila, est une erreur. «Oui, on peut y devenir accro, cela s'est déjà vu en consultation», corrige-t-il, insistant par ailleurs sur une autre idée largement véhiculée parmi les nouveaux consommateurs : la MDMA serait moins nocive que d'autres drogues comme la cocaïne. «Or, certes les utilisateurs ne font pas d'overdose, mais la liste des risques encourus est longue», souligne-t-il. Hépatites fulminantes, hyperthermie maligne, décompensation en épisode délirant, troubles cognitifs, problèmes cardiaques ou rénaux, voire décès. Dans son bulletin «Vigilances» de janvier, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé fait ainsi état de quatorze morts en lien direct ou indirect avec la MDMA en 2013, contre neuf en 2011.