«Les stars commencent une guerre civile». Avec ce titre, Matthew Dessem, journaliste chez Slate, exagère probablement, mais il faut reconnaître que le nouvel épisode de la guéguerre commencée en février (1) entre Taylor Swift, chanteuse country pop de 26 ans, très «petite fiancée de l'Amérique», et le duo Kanye West-Kim Kardashian, rappeur/designer/Dieu le père (dans sa tête) et star de la télé-réalité, très «couple le plus mégalo d'Amérique», tourne à la guerre de positions. Avec débarquement d'alliés en prime. C'est en tout cas ce que le public est prié de croire.
Récapitulons. En février sortait le titre Famous, de Kanye West (clip ci-dessous, lequel est sorti, lui, en juin), dans lequel figurent les paroles suivantes : «J'ai l'impression que Taylor et moi pourrions encore coucher ensemble/Pourquoi ? J'ai rendu cette pétasse célèbre/Nom de dieu/J'ai rendu cette pétasse célèbre». Selon le rappeur, la chanteuse country, qui est représentée dans le clip tout comme d'autres célébrités, était parfaitement au courant qu'elle serait mentionnée sous le terme «that bitch» dans le texte du morceau. Ce qu'elle a nié, faisant même implicitement référence à la bisbille lors d'un discours aux Grammy Awards 2016, rappelle le journaliste Matthew Dessem.
L'affaire aurait pu être enterrée. Sauf que Kim Kardashian, grande spécialiste du montage en épingle de faits insignifiants (il faut bien que le show de télé-réalité, Keeping up with the Kardashians, auquel participe la quasi-intégralité de sa famille, ait du croustillant à proposer aux téléspectateurs, entre deux punchlines sur le maquillage et prises de selfie) en a remis une couche, en affirmant dans GQ qu'elle avait la preuve que Taylor Swift était bien au courant qu'elle allait être qualifiée de «pétasse» dans le morceau. Kim Kardashian a ensuite diffusé sur son compte Snapchat des extraits de l'enregistrement de la conversation téléphonique entre Swift et West (dont même le Washington Post publie la transcription), ce à quoi Taylor Swift a répliqué sur Instagram que l'enregistrement ne constituait pas une preuve…
Un coup de fil opportunément enregistré, pour une polémique téléphonée
Sur ces entrefaites, une palanquée de célébrités ont choisi leur camp, façon débarquement des alliés. Selena Gomez a affiché son soutien à Swift, Katy Perry et Khloe Kardashian ont préféré l'axe West/Kardashian. Et elles n'hésitent pas à manier l'insulte, comme contre cette pauvre Chloë Grace Moretz qui estimait que l'affaire n'avait guère d'importance, et qui s'est pris une volée de bois vert (soit, dans le monde merveilleux des Kardashian, un tweet avec une photo embarrassante) de la soeur de Kim, Khloe.
Tout cela serait crédible si Taylor Swift n'était pas la méga-célébrité qu'elle est - à ce titre, on peut suggérer sans trop s'avancer qu'elle a un agent et des avocats suffisamment bien payés pour ne pas la mettre dans des situations gênantes - en sachant par exemple obtenir une injonction contre la diffusion d'un clip qui la représente nue (2). En outre, pourquoi Kim Kardashian aurait enregistré son mari lors d'une simple conversation par téléphone, si ce n'était pas pour savamment faire fuiter la vidéo plus tard ? Cette guéguerre fait donc penser à un coup marketing - filé depuis 2009, quand même. Un peu comme Booba et la Fouine se clashaient par textes interposés et tacles sur les réseaux sociaux, pour vendre une concurrence entre rappeurs excitante pour le public et cohérente avec la dramaturgie traditionnelle du hip-hop - cf. Notorious B.I.G vs. Tupac. Et quoi de plus propice à ce genre de coup que la confrontation entre une Amérique blanche et redneck (Taylor Swift vient de Nashville) et une Amérique racisée et bling bling qu'incarnent les West-Kardashian ? A l'arrivée, il y a fort à parier que les deux camps y trouveront également leur compte.
(1) Pour être précis, la «guerre» a commencé en 2009, mais l'épisode «Famous» dont il est question ici ne date que de cette année.
(2) Une précédente version de l'article indiquait de manière erronée que Taylor Swift avait tourné nue dans le clip. Or, les célébrités représentées dans la vidéo sont... des poupées. Nous présentons nos excuses aux lecteurs pour cette erreur.