En 1983, un jeune garçon disparaît dans les bois brumeux d'une petite bourgade américaine sans histoires. Pendant que sa mère panique - l'ex-star des années 90, Winona Ryder, en come-back après une éclipse, fiévreuse à souhait (lire ci-contre) - ses copains partent à sa recherche, coiffés de leur casquette de baseball et guidés dans la nuit étoilée par les faisceaux lumineux des phares de leurs bicross… On l'aura compris, le fétichisme de Spielberg et l'imagerie Amblin (les Goonies, E.T.), qui ont enchanté les pré-teens des années 80, jouent ici à plein tube, exactement comme dans Super 8 il y a quelques années. Par ailleurs, le doudou eighties à l'œuvre dans beaucoup de séries actuelles fonctionne toujours ici : les gamins de Stranger Things sont fans de Star Wars et de Donjons et Dragons, il y a des posters de Tom Cruise période Risky Business dans les chambres des filles, et l'adolescent de l'histoire a de faux airs de Kevin Bacon dans Footloose.
Guirlandes
L’esprit d’E.T. rôde partout, mais il a pris les traits d’une petite fille triste et effrayée par ses pouvoirs surnaturels. Privée d’enfance, elle fait irruption dans la vie de ces gamins ordinaires. Comme E.T., elle est terriblement émouvante. Comme E.T., elle trafique un talkie-walkie, découvre la télévision, est cachée dans un placard au nez et à la barbe des adultes. Et, parce qu’elle attire l’attention avec ses cheveux rasés et sa blouse d’hôpital, la bande de garçons la déguise même en «fille» comme le faisait Drew Barrymore avec E.T., perruque blonde incluse !
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On peut s'amuser longtemps à débusquer hommages et jeux de pistes, et ce n'est pas un jeu désagréable puisque les clins d'œil en question sont très bien faits. Mais il arrive qu'ils soient même surpassés par des visions totalement originales, comme ces guirlandes clignotantes multicolores tendues dans une maison entière pour «communiquer» avec l'enfant disparu ; ou, soudain, la maisonnée américaine qui s'affole de manière plus poétique encore que dans Rencontres du troisième type.
Chagrins
La partie purement SF n'est pas ce qu'il y a de plus réussi dans Stranger Things. On préférera le plan nébuleux d'une adolescente esseulée, qui disparaît comme par enchantement au bord d'une piscine, aux représentations plus frontales de monstres pas très convaincants. Mais l'évocation de créatures terrifiantes tapies dans des univers parallèles glacés, de forêts aux hivers éternels qui emprisonnent les gamins perdus, n'est pas anodine.
Ce que tout ça dit finalement de plus conforme à l'esprit spielbergien, c'est que l'enfance, c'est sérieux. Que peurs et chagrins y sont abyssaux, et que parfois il ne suffit pas d'écouter Should I Stay Or Should I Go des Clash à fond pour masquer les éclats de voix de parents qui s'engueulent. Spielberg n'a jamais caché que E.T. était, avant tout, un film sur le divorce de ses parents… Plus qu'un décalque ludique, Stranger Things s'avance donc plutôt, sous ses dehors assurément séduisants, comme une variation réussie sur les grandes terreurs muettes et les monstres effroyables, cachés parmi les peluches, qui hantent les chambres d'enfants. Comme un secret derrière la porte.