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Libération
Les pages jeunes

Naya a un don, elle souffle des rêves...

Toutes les semaines, «Libération» fait le point sur l'actualité du livre jeunesse. Aujourd'hui, un magnifique conte universel. Féministe en prime.
publié le 15 octobre 2016 à 15h21

Quelle belle histoire ! Nous sommes tombés sur une pépite. Un conte africain aux couleurs fluos, rempli de poésie et de femmes rusées. Naya vit dans un petit village en Afrique. On ne connaît ni le nom du pays, ni son âge. Juste qu’elle est suffisamment grande pour se rendre seule, chaque jour, chez maître Yacouba, tout en haut de la montagne.

Naya marche «si vite qu'aucun garçon du village ne peut la rattraper.» Maître Yacouba, lui, est un vieil homme et ses mains tremblent un peu. Dès l'aube, il va ramasser la terre rouge et sombre près de la rivière, et la fait sécher au soleil. Les habitants du village s'en servent pour faire des briques et construire un mur tout autour du village.

Naya, avec «ses doigts fins comme les pattes des sauterelles», modèle un peu de cette terre pour donner vie à des petites statuettes, comme le faisait jusqu'ici le vieil homme. Chaque habitant a la sienne, fidèle à son image. Naya est douée, le lion qu'elle a sculpté est «tellement ressemblant qu'on aurait cru qu'il allait se mettre à rugir.» C'est dire.

Ainsi commence cette histoire. L'auteur Philippe Lechermeier (professeur de lettres à la ville) prend le temps de camper les personnages, de décrire les scènes. Il laisse le temps aussi à la poésie. Naya apprend à compter à ses frères et soeurs «avec quelques cailloux et les fourmis qui traversent leur maison». La nuit tombée, elle souffle des rêves à l'oreille de sa soeur. Des rêves où «elle se tranforme en fleur» et «devient nuage». La vie semble moelleuse et paisible.

Mais un jour, la guerre s’abat sur le village ; elle blesse «corps et âmes». Le mur en briques ne suffit pas. Les illustrations, à base de vert et orange fluo, de Claire de Gastold, sautent en pleine figure. C'est surprenant au début, mais en fait les dessins se conjuguent à merveille avec le texte. On plonge dans l’intrigue la tête la première, et chose rare pour un album écrit pour les enfants à partir de quatre ans, il n’est pas si évident de deviner la fin. Sauf peut-être, si l'on est une femme rusée.

«Naya ou la messagère de la nuit», Philippe Lechermeier et Claire de Gastol. Editions Thierry Magnier, octobre 2016, 40 pages, 17 euros.