Réalisateur du remarqué Leviathan, sorti en 2014, et du non moins remarquable Elena en 2012, le Russe Andreï Zviaguintsev a signé jeudi une virulente tribune sur le site du quotidien Kommersant. «Il est tout à fait évident que la censure a bien pris pied dans l'espace culturel de notre pays. Il n'y a que des menteurs ou des ignorants qui peuvent nier cela», écrit-il, en réaction à de récents propos du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a estimé cette semaine que l'Etat avait «le droit de décider du sujet» lorsqu'il finance un film ou une pièce de théâtre, tout en qualifiant la censure d'«inacceptable». «On dirait que pratiquement toute la vie culturelle en Russie fait désormais l'objet d'une commande publique», dénonce le cinéaste, qui juge «absurde» l'«ingérence des autorités dans les affaires des artistes».
Ces déclarations interviennent quelques jours après que Konstantin Raïkine, acteur et directeur de la compagnie moscovite Satiricon, a dénoncé des «atteintes révoltantes à l'art et au théâtre», en accusant les autorités de vouloir revenir à l'«époque stalinienne». Il a également critiqué le refus du Kremlin de s'opposer à divers groupes de militants qui, sous couvert de défense de l'Orthodoxie, exigent l'annulation de spectacles «sous prétexte que ceux-ci insultent leurs sentiments religieux».
En 2013, la Russie a adopté une loi instituant le délit d'«offense envers les sentiments religieux des croyants», dans le sillage de la persécution des punkettes Pussy Riot. Depuis, plusieurs spectacles ont été interdits, dont l'opéra rock Jésus Christ Superstar, le 18 octobre, dans la ville sibérienne d'Omsk. «Cela ne concerne peut-être qu'une seule annulation d'une seule représentation, mais elle est symptomatique de l'influence croissante des groupes nationalistes pro-governement sur la scène culturelle dans la Russie moderne, où l'expression culturelle se réduit un peu plus chaque jour», a pour sa part déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.