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Ruée vers le stand-up : après Chris Rock, Netflix s’offre Jerry Seinfeld

L'humoriste, connu pour la série culte Seinfeld, a signé un contrat pour deux spectacles avec le géant de la SVOD, qui s'offre au passage sa web-série «Comedians in Cars Getting Coffee».
Barack Obama invité de Jerry Seinfeld dans un épisode de la web-série Comedians in «Cars Getting Coffee», acquise par Netflix. (DR)
publié le 18 janvier 2017 à 17h50

Il fêtera bientôt ses 63 ans, goûte peu la tendance «politiquement correcte» en vogue sur les campus universitaires et s'occupe principalement depuis 2012 en papotant avec ses pairs humoristes au volant de voitures de collection : Jerry Seinfeld, poids lourds de l'humour américain, semblait a priori mûr pour une préretraite méritée, mais l'annonce surprise ce mardi d'un deal entre Netflix et lui contredit (heureusement) cette fausse impression.

Seinfeld, dont la série culte homonyme s'est achevée en 1998 sur NBC, a en effet signé un contrat monstre avec le service de VOD par abonnement. Un montant de 100 millions de dollars est même avancé par des sources du Hollywood Reporter. Dans un communiqué, la société active dans 190 pays annonce que l'humoriste proposera en exclusivité ses deux prochains spectacles de stand-up sur Netflix. Son dernier comedy special, comme on dit dans le jargon US, avait été diffusé sur HBO quelques mois après l'arrêt de sa série, il y a donc presque vingt ans. Précisons au passage que la série Seinfeld aux neuf saisons n'est pas concernée par le deal et reste l'exclusivité outre-Atlantique du service Hulu.

Le comique-producteur-scénariste, qui tourne encore régulièrement à travers les Etats-Unis, ne se contentera pas de cette paire de shows : son contrat prévoit également qu'il participe au développement de nouveaux programmes (fictions comme émissions de flux) pour Netflix, qui s'est offert au passage l'intégralité de sa web-série évoquée plus tôt, Comedians in Cars Getting Coffee (CCGC). Littéralement : des comiques en voiture prenant un café.

Distribué depuis 2012 par la plateforme Crackle, une filiale de Sony, ce programme a vu défiler dans les automobiles luxueuses du collectionneur Seinfeld de nombreux humoristes évoquant leur carrière, leurs vies personnelles, leurs goûts : au fil des épisodes, son siège passager a ainsi accueilli entre autres Ricky Gervais, Louis C.K., Tina Fey, Jon Stewart, Jim Carrey et même un certain Barack Obama, confiné dans l'enceinte de la Maison Blanche pour raisons de sécurité à bord d'une Corvette Sting Ray de 1963. Les 55 épisodes déjà mis en ligne, d'une durée moyenne de 15 minutes, sont disponibles gratuitement en ligne. Ils seront prochainement tous visibles en exclusivité sur Netflix, qui en proposera également une fournée inédite de 24 nouveaux dès la fin de l'année.

Rentable comme du porno

«Quand j'ai commencé à réfléchir au concept de CCGC, le modèle économique entier de Netflix se résumait à envoyer des DVD par courrier», explique Seinfeld dans le communiqué, avant d'ajouter : «j'aime l'idée qu'on se rejoigne maintenant, après nos évolutions respectives». Le sexagénaire n'est pas la seule valeur sûre de l'humour américain à avoir été séduite par le géant de la SVOD. Fin 2016, Chris Rock puis Dave Chappelle signaient eux aussi de juteux contrats pour des specials inédits : 40 millions de dollars pour deux spectacles de Chris Rock, ses premiers depuis huit ans, et une somme non divulguée pour trois spectacles de Dave Chappelle, l'exhumant ainsi d'un hiatus de douze ans dans ce domaine.

Outre ces come-back de valeurs sûres qu'on pourrait comparer aux «résurrections» de séries annulées depuis années prisées par Netflix (Gilmore Girls, La Fête à la maison…), le service mise également sur la jeune génération (Aziz Ansari, Amy Schumer, Michael Che…) et l'international : le 24 janvier prochain, un spectacle inédit de Gad Elmaleh, principalement en français, sera disponible en sortie mondiale aux 85 millions d'abonnés Netflix, qui en proposera plus tard un second, cette fois entièrement en anglais. Le comédien, qui s'est récemment frotté à la version française du Saturday Night Live pour M6 avec plus ou moins de succès, avait d'ailleurs eu les honneurs d'un épisode de CCGC, Jerry Seinfeld étant l'un de ses mentors.

Cette ruée vers le stand-up, qui voit des services numériques tels Netflix, Hulu ou Amazon Prime Video concurrencer des diffuseurs traditionnels comme HBO ou Showtime, fait grimper les enchères d'un business très lucratif pour les humoristes ayant assez de notoriété pour «vendre» un spectacle d'une heure. «A l'exception du porno, rien n'est moins cher à produire», s'exclamait fin 2015 un producteur de specials dans le Hollywood Reporter qui s'intéressait au boom de ce format effectivement très rentable : une seule personne sur scène, sans décor ni accessoire ou presque, le tout filmé en une seule soirée et avec un minimum de post-production derrière. Certes, dans le cadre d'un spectacle tourné au Madison Square Garden de New York, comme celui d'Aziz Ansari présenté dans la vidéo ci-dessus, les frais peuvent être un poil plus conséquents, mais on reste loin d'un House of Cards.

Pas étonnant dans ces conditions que certains tentent l'aventure de la vente directe sans intermédiaire via leur site web, à l'image de Louis C.K. Ce dernier n'a toutefois pas rechigné à vendre par la suite les droits de certains de ces mêmes spectacles à Netflix : quand la demande est forte et les nouveaux diffuseurs très dépensiers, pourquoi s'en priver, quitte à faire doublon.