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Libération

Hors-jeu

publié le 21 mai 2017 à 18h06

Les actrices toujours : les acteurs n'existent pas médiatiquement durant le Festival de Cannes. Juliette Binoche est passée. Dans le Monde, elle est en sucre, «un rire de gorge», «une pudeur qui laisse les mots s'installer et les retient pour en vérifier la justesse», etc. Un peu perdue dans Première : «En tant qu'artiste, on doit avoir une honnêteté par rapport à ce que l'on est.» Et plus crue dans 20 Minutes : «A Cannes, je vais faire attention de ne pas avoir envie d'aller aux toilettes avant de passer sur scène. Blague à part, on a souvent envie de faire pipi parce que c'est un moment de peur.» Pitié pour elle(s).

Si l’on cherche le cinéma, le Festival de Cannes est hors sujet : l’écrasante majorité des intervieweurs s’en foutent parce que leur audience s’en fout. Et celle-ci s’en fout parce qu’elle n’a ni vu le film justifiant la présence de l’actrice devant les micros ni l’intention de le voir. Le fin du fin consiste donc à débarrasser la comédienne de son art pour la mettre à découvert. En configuration cannoise, celle-ci est donc en vulnérabilité, un objet de voyeurisme - combien pour cette fille dans la vitrine ? Certaines sont de leur époque : les postures lascives ou topless du mannequin et actrice américaine Emily Ratajkowski sur son compte Instagram, avec complicité surjouée et bonne copine (?) qui lui prend les seins à pleines mains sur fond d’infrabasse, ont le mérite de donner au monde extérieur ce qu’il veut. Sans prétexte cinématographique aucun.

Et le tapis rouge ? Binoche : «Vous trouverez peu d'actrices qui aiment monter les marches à Cannes.» J'en ai connu une, de loin en loin, qui confessait aimer la perspective d'y défiler. Je n'ai jamais osé lui demander pourquoi : la peur du mot de trop, ces filles sont fragiles. Je crois avoir compris depuis que cette manière de starification déférente rattrapait un peu tout le reste, vécu par elle comme une agression. Je ne sais pas, je spécule.