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Libération
Disparition

Avec la mort de Kazuo Koike, la BD mondiale perd un de ses architectes

Le scénariste japonais de «Lady Snowblood» et «Crying Freeman» a exercé une influence considérable au Japon en transmettant son savoir à plusieurs générations d'auteurs et pourrait bien avoir altéré le cour de l'histoire du comics.
Extrait de «Lady Snowblood» de Kazuo Koike et Kamimura. (Kazuo Kamimura)
publié le 19 avril 2019 à 15h34

Avec la mort de Kazuo Koike, mercredi, la bande dessinée japonaise perd un peu plus qu'un formidable scénariste. C'est un de ses plus grands passeurs qui s'éteint. Agé de 82 ans, l'homme avait fondé la Gekigasonjuku, école essentielle dans la formation des générations suivantes, modelant les plus grands créateurs de mangas et de jeux vidéo: Rumiko Takahashi (auteure de Ranma ½ et dernier grand prix d'Angoulême), mais aussi Tetsuo Hara (Ken le survivant), Yūji Horii (Dragon Quest), Caribu Marley (Old Boy) ou Naoki Yamamoto (Assate Dance). La liste est interminable.

Si l'on ne devait retenir qu'une œuvre essentielle de la carrière très dense de Kazuo Koike, ce serait le formidable gekiga Lone Wolf & Cub, réalisé entre 1970 et 1976 avec le dessinateur Goseki Kojima. Maintes fois adaptée au cinéma (la série des Baby Cart), ce récit historique qui met en scène la revanche d'un sabreur flanqué de son tout jeune fils a eu un impact immense sur l'histoire de la bande dessinée mondiale en chamboulant profondément la perception de Frank Miller. L'Américain hallucinant doit énormement au pouvoir de narrateur de Koike, qui écrit en suggérant, davantage qu'en s'adonnant à un torrent de mots. Avec une obsession: mettre le personnage au centre, lui donner une voix forte. L'influence du Japonais sur l'œuvre de Miller (qui en retour signe les couvertures du manga aux Etats-Unis) a été si transformative qu'il n'est pas absurde d'imaginer que sans cette rencontre, c'est tout le virage postmoderne du comic book qui s'en serait trouvé modifiée.

Extrait de «Lone Wolf & Cub», l'œuvre majeure de Koike. (Kojima Goseki·Dark Horse)

D'une exceptionnelle longévité, la carrière de Koike est notamment jalonnée par des collaborations avec deux artistes japonais majeurs: Kazuo Kamimura, avec lequel il signe Lady Snowblood (inspiration revendiquée de Quentin Tarantino pour son Kill Bill) et Ryōichi Ikegami (Crying Freeman). La disparition du scénariste intervient quelques jours après celle d'une autre légende de la bande dessinée japonaise: Kazuhiko Katô, alias Monkey Punch. Plus méconnu du public occidental, Monkey Punch n'a pas vu ses œuvres traduites en France et c'est par le biais des dessins animés que l'on a découvert son Lupin III (Edgar de la cambriole) qui a notamment permis à Hayao Miyazaki de faire ses premiers pas au cinéma avec le Château de Cagliostro. Quelques heures avant sa disparition, Koike saluait la mémoire de celui qu'il considérait comme son rival quand ils publiaient tous deux dans les pages du Weekly Manga Action.