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Fiction

Jacques Chirac au cinéma, les biopics à venir (ou pas)

Une dizaine d'acteurs ont interprété, au cinéma et à la télévision, l'ancien chef de l'Etat, mort jeudi. Puisqu'il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin, «Libération» a imaginé les prochains films autour de Jacques Chirac.
Bernadette (Michèle Moretti) et Jacques Chirac (Bernard Le Coq) dans «la Conquête» (2011), de Xavier Durringer. (Photo Emilie de la Hosseraye. Gaumont)
publié le 28 septembre 2019 à 13h59

Sa vie avait tout d'un film. Ou plutôt : sa vie avait tout de plusieurs films. Les ingrédients sont souvent les mêmes entre politique et fiction : séduction, trahisons, monologues ou traversées du désert. Jacques Chirac, qui a sa propre page sur le site Allociné, a déjà été interprété à l'écran une dizaine de fois. On se souvient d'abord de l'acteur français Bernard Le Coq, qui a même campé son rôle à deux reprises : dans la Conquête, de Xavier Durringer (2011), où Le Coq tient un second rôle, le film se concentrant sur l'accession de Nicolas Sarkozy à la tête de l'Etat, et dans le téléfilm la Dernière campagne (2013), réalisé par Bernard Stora, où il endosse le costume d'un Jacques Chirac vieilli.

Bernard Le Coq en Jacques Chirac dans la Conquête.

DR

Films et surtout téléfilms ne se sont pas privés de retracer les péripéties et frasques de l'ancien président,
objet aussi de pléthore de séries documentaires et d'ouvrages politiques, notamment à partir de son second mandat à l'Elysée. Le cinéaste Lucas Belvaux s'empare du personnage, en 2007, interprété par Michel Ruhl, dans un téléfilm sur l'affaire Elf, les Prédateurs. En 2011, Samuel Labarthe se glisse dans la peau du jeune loup politique dans Mort d'un président de Pierre Aknine, qui narre les derniers moments du mandat de Pompidou. Deux ans plus tard, le nom de Chirac apparaît au générique de la Rupture (2013), de Laurent Heynemann, qui raconte ses rapports tendus avec Valéry Giscard d'Estaing. Cette fois, c'est Grégori Dérangère qui prête ses traits à l'ancien chef d'Etat.

En 2009, c'est dans le téléfilm Adieu de Gaulle, adieu, de Laurent Herbiet, qui revient sur Mai 68, qu'on l'aperçoit, jeune, sous les traits d'Arnaud Ducret. Il est également plutôt jeune dans la Loi, de Christian Faure, toujours pour la télé, qui relate le combat pour la légalisation de l'avortement, où un Michaël Cohen tout en lunettes donne la réplique à Simone Veil (Emmanuelle Devos). Même Thierry Lhermitte a habité le personnage, dans un téléfilm de Canal +, l'Affaire Gordji, histoire d'une cohabitation (2011), de Guillaume Nicloux.

Sur le plan international, on notera une apparition dans W : l'Improbable Président, d'Oliver Stone, et une deuxième, sous les traits de Marc Rioufol, dans un unitaire américano-britannique de 2010, diffusé par HBO et la BBC 2, The Special Relationship, qui revient sur les rapports entre Tony Blair et Bill Clinton.

Michaël Cohen en Jacques Chirac dans la Loi.

DR

Puisque la figure du caméléon gaulliste ne va, à coup sûr, cesser d'alimenter les œuvres de fiction sur grand écran – Chirac étant déjà assimilé à une icône de la coolitude autant qu'au dignitaire oisif d'une Ve République ankylosée –, Libération a imaginé les prochains films les plus abracadabrantesques featuring Jacques Chirac, entre biopic académique, péplum tarantinesque et film d'auteur français.

2022. Chirac, prénom : Jacques, de Guillaume Gallienne

Trois ans après la mort de Jacques Chirac, le temps des hommages «sans chichi» est déjà un lointain souvenir : la fine fleur du cinéma français peut s'emparer du personnage. Un projet de commande, produit par Josée Dayan, est l'objet d'une guerre de positions entre Guillaume Gallienne et Jacques Audiard. Le premier sera l'élu, et prêtera, de surcroît, ses traits à Bernadette Chirac. Malgré un casting galactique, véritable raout familial du cinéma français, le film est d'abord un échec critique, qui y voit «une comédie sans étincelle» et «une caméra qui frôle l'état végétatif et ne lorgne alors plus que les clichés du personnage». Le public n'est pas non plus au rendez-vous : 55 117 entrées. Il faut dire que Chirac, prénom : Jacques sort la même semaine que Camping 6 et Rambo : The Posthume War. Jacques Audiard est finalement soulagé.

Au casting :

Pierre Niney (Jacques Chirac jeune, photo ci-contre), Benoît Magimel (Jacques Chirac moins jeune), Ophélia Kolb (Bernadette Chirac jeune), Guillaume Gallienne (Bernadette Chirac moins jeune), Laure Calamy (Marie-France Garaud), Philippe Duclos (Edouard Balladur), Daniel Auteuil (Pierre Juillet), Kad Merad (Valéry Giscard d’Estaing), José Garcia (Charles Pasqua), François Cluzet (François Mitterrand), Nabilla Benattia (Michèle Barzach), Kev Adams (Nicolas Sarkozy)… 1h58.

2024. Jacques, de Bertrand Bonello

Avec

Jacques,

Bertrand Bonello s’attaque à l’ogre de la

République et réussit son premier thriller politique avec le plus important budget de sa carrière. Gros moyens, postiches à foison, hectolitres de latex et tournage uniquement à la steadycam sont ses alliés pour retracer les vies superposées du caméléon. Aux dialogues, la collaboration entre Virginie Despentes et Jean-Pierre Raffarin fonctionne, étonnamment, à merveille. Sans complaisance, mais avec tendresse (magnifique scène où la nostalgie de l’ancien étudiant qui vendait

l’Huma

se lit dans les yeux du président), Chirac est dépeint en autocrate barré, entre trafics de masques d’art premier, règlements de compte à l’arme blanche à la mairie de Paris ou encore en semi-maquereau blindé aux as sous les ors de la République. Mais dans l’intimité, «Jacques» se révèle un homme soumis aux volontés sexuelles des femmes, mais aussi des hommes, adepte du bondage en souterrain dans la Goutte-d’Or. Le film de 2h23 est applaudi pendant quatre heures et douze minutes au Festival de Cannes. Le président du jury, Xavier Dolan, déclare :

«J’ai jamais vu autant de furie flamboyante… depuis mon dernier film.»

C’est une nouvelle palme d’or pour la team France. Joli coup.

Au casting : Benoît Poelvoorde (Chirac en âge d'être nostalgique, photo ci-dessus), Kacey Mottet-Klein (Chirac étudiant), Sylvie Testud (Bernadette Chirac), Adèle Haenel (Claude Chirac), Louis-Do de Lencquesaing (Patrick Balkany), Alban Lenoir (Nicolas Sarkozy), François Loriquet (Jean-Louis Debré)… 2h23.

2027. Le Rendez-vous de Saint-Guillaume, partie 1, d’Abdellatif Kechiche

Malgré son titre, le Rendez-vous de Saint-Guillaume n'est pas un récit biblique, mais bien celui de la rencontre entre Bernadette Chodron de Courcel et Jacques Chirac, sur les bancs de Sciences-Po. Pour son nouveau projet, produit par Netflix et diffusé en salles (grâce à l'accord UGC-Netflix conclu en 2025), Abdellatif Kechiche, qu'on ne savait pas si sentimental, s'est inspiré de First Date, bluette sortie en 2016 sur le premier rencard de Michelle et Barack Obama… mais en livre une version aussi impressionniste que hard-core – durée du montage cannois, 4h24, puis 4h12 en salles après concessions à son producteur (bizarrement, cette dernière paraît plus longue).

Comme d'habitude, la presse est partagée : une partie des journalistes crie au génie tandis qu'une autre tourne de l'œil et quitte la salle lors d'un plan-séquence où le jeune Jacques mange de la tête de veau durant vingt-deux minutes. La critique reproche aussi au cinéaste de présenter une «vision dépolitisée» du futur chef d'Etat, notamment lorsque Kechiche détourne sa phrase sur «le bruit et l'odeur» pour en faire une simple remarque grivoise. Hélas, la partie 2 ne sortira jamais pour cause de faillite de Netflix.

Au casting : Djina Gomez (Bernadette) et Kylian Hancisse de la Comédie Française (Jacques). En clin d'œil, Bernard Le Coq fait une apparition dans le rôle d'Abel Chirac, le père de Jacques… 4h24.

2029. 14.02.03, de et avec Jean Dujardin

En 2029 sort

14.02.03.

, le premier film de l’oscarisé Jean Dujardin

(photo)

en tant que réalisateur. Il tire son nom de la date à laquelle Dominique de Villepin a prononcé, à la tribune des Nations Unies à New York, son fameux discours qui marque l’opposition de la France à la guerre en Irak. Mais le long métrage, qui se déroule sur six mois, retrace surtout les discussions entre chefs d’Etat et les tractations en coulisses, oscillant entre film d’action et comédie, façon

OSS 117

(on ne vous divulgachera pas la scène où Dujardin-Chirac et Damiens-Schröder se téléphonent pour casser du sucre sur le dos d’Aznar, mais elle est hilarante). A sa sortie, c’est un succès public, avec 3 millions d’entrées dans les salles françaises. A 76 ans, Dominique de Villepin gagne 5 points de popularité, il se présente à la présidentielle de 2032.

Au casting : Jean Dujardin (Jacques Chirac), Jacques Gamblin (Dominique de Villepin), Benedict Cumberbatch (Tony Blair), Nicolas Cage (George W. Bush), François Damiens (Gerhard Schröder), Eduardo Noriega (José María Aznar)… 1h48.

2037. Me To Go Back To My Plane, de Quentin Tarantino

Quentin Tarantino est en pleine traversée du désert. Une nuit d’insomnie, collé à son écran d’ordinateur, le réalisateur tombe sur la vidéo de la visite de Jacques Chirac en Israël, où il engueule les agents chargés de

sa sécurité, agacé qu’on ne le laisse pas prendre un bain de foule :

Fasciné, le cinéaste américain en tire une sombre histoire d’agents secrets et de magouilles politiques sur fond de conflit israélo-palestinien. Du sang (Chirac écrase Balladur comme un sumo dans une scène chorégraphiée à la perfection), de la punchline

(«ma femme est un homme politique», «je décide, il

exécute»

pris ici au sens littéral), un casting de rêve (DiCaprio, métamorphosé par une prise de poids conséquente et deux heures de maquillage quotidiennes). Selena Gomez et Ibrahim Maalouf composent la part originale d’une bande-son qui se classe immédiatement numéro 1 des charts grâce au déterrage d’un remix funk-soul de

composé par Bobby Schuman. Le scénario nous réservera un twist final qui fera couler beaucoup d’encre (et de sang).

Au casting : Leonardo DiCaprio (Jacques Chirac, photo ci-dessus), Uma Thurman (Bernadette Chirac), Christoph Waltz (Lionel Jospin), Robert De Niro (Charles Pasqua), Nicolas Maury (le directeur de cabinet de Jacques Chirac)… 2h43.

2041. Bernie, de Mélanie Laurent

Cette fois, ce n’est pas Jacques, mais Bernadette qui tient le haut de l’affiche. Pour son septième film en tant que réalisatrice, Mélanie Laurent s’est adjoint les services de Léa Drucker

(photo)

pour

interpréter l’ex-conseillère régionale de Corrèze. Au second plan, Pio Marmaï est irréprochable en Jacques Chirac. Bernadette est décrite comme la réelle cheffe d’Etat, celle qui tient les rênes de l’Elysée pendant que son mari se pavane dans les palais de la République, au Salon de l’agriculture ou au Formule 1 de la porte de Saint-Ouen. Le film est exporté en Chine et aux Etats-Unis, où un petit distributeur local, tendance gauchiste, croyait acheter un biopic du regretté Bernie Sanders. Qu’importe, la critique est séduite :

«Derrière ce tableau spleenétique bien qu’obstinément féministe, on a rarement vu Bernadette Chirac si solaire, et sans mièvrerie. Le visage de Bernie se trouve magnifié et réinventé à travers les yeux de chacun de ceux qui regardent»,

s’emporte la presse.

Au casting : Léa Drucker (Bernadette Chirac), Pio Marmaï (Jacques Chirac)… 1h53.