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Libération
Prêt-à-porter féminin

Fashion week : contes et légendes de la mode

Les défilés Loewe, Balmain, Nina Ricci, Yohji Yamamoto et Celine étaient au programme de ce vendredi.
A Paris, défile Loewe vendredi. (Lucile BOIRON/Photo Lucile Boiron pour Libération)
publié le 29 février 2020 à 9h13

L'invitation au défilé Loewe a pris la forme d'un vinyle sur lequel apparaît le visage grimaçant de Megan Rapinoe, héroïne contemporaine (elle est l'une des premières sportives à avoir fait son coming out), célèbre joueuse américaine de football (Ballon d'Or 2019) et égérie de la saison. Rien ne transparaît vraiment de cet échange dans la dernière collection de Jonathan Anderson mais qu'importe.

Loewe, maison de luxe espagnole (LVMH), était avant tout connue pour son travail du cuir avant qu’Anderson ne prenne les rênes de son prêt-à-porter en 2014 et place la maison dans les hautes sphères de la créativité vestimentaire. L’Irlandais, né en 1984, pousse toujours le curseur un peu plus loin du point de vue technique et poétique. Le défilé, organisé à la Maison de l’Unesco, est un long tableau de maître composé dans sa grande majorité de jupes et de robes volumineuses, et de pantalons bouffants affublés de nœuds aux chevilles. C’est à la fois rigoriste (comme cet ensemble bleu marine, sa veste à basques et sa jupe ample tombant aux chevilles) et chimérique.

Photos Lucile Boiron pour Libération

Jonathan Anderson collabore pour l’hiver 2020 avec l’artiste japonais Takuro Kuwata qui a produit pour lui des céramiques (des plaques blanches auréolées de boules cuivrées placées au niveau de la poitrine) cousues sur des robes soyeuses. Il intègre aussi un motif «vagues» à la japonaise sur une robe aux manches ballons. On est plongé dans un livre de contes où l’on croiserait des princesses au port aristocratique, dépourvues de mièvrerie, qui passent devant nous en robe blanche aux triples manches pagode serties de paillettes bleues.

Loin, très loin de l'univers Loewe, place à Balmain, dans les sous-sols de l'espace Champerret. Olivier Rousteing se réjouit d'être nommé aux césars (pour Wonder Boy sélectionné - mais pas primé - dans la catégorie film documentaire) dans le communiqué distribué aux journalistes. Le jeune homme a fait du chemin avant de devenir l'un des créateurs préférés des nouvelles stars quasi hollywoodiennes que sont les Kardashian.

À Paris, vendredi, défilé Loewe. Photos Lucile Boiron pour Libération

Cette saison, son bling bling est moins «cristallisé» qu'à l'accoutumée (Rousteing a longtemps adoré les brillants). Il rend un hommage appuyé aux années 80, notamment dans la bande-son du show très Radio Nostalgie avec entre autres Jean-Jacques Goldman ou Jeanne Mas – il fallait oser –, l'arrivée groupée des mannequins (sa «Balmain army») et la présence de tops qu'on a toujours plaisir à revoir à l'image d'Helena Christensen. Rousteing penche lui aussi du côté du latex mais il est moins obsessionnel que celui d'Anthony Vaccarello chez Saint Laurent. Les gilets à motif pompons dorés sont marqués aux épaules, comme ce pull à carreaux Burlington bleu, blanc, rouge, surmonté de boutons dorés. Comme leur mère en leur temps, les filles portent des capes de cavalière couleur camel ou des vestes croisées, noir et rouge auréolées de boutons carrés, mariées à des cuissardes en cuir, à la Mylène (Farmer évidemment).

Photos Lucile Boiron pour Libération

Un trench cape parfaitement équilibré, des vestes masculines fortement réduites et coupées à hauteur de poitrine… Quelques silhouettes du défilé Nina Ricci ont retenu notre attention. Comme ces pointes de couleur distillées sur des ensembles en soie (safran, bleu) et ces fleurs éparpillées (notamment sur un plastron posé sur une veste croisée). Le travail entamé l'an dernier par le duo néerlandais Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh (également à la tête de la marque pour hommes Botter) se poursuit dans la continuité mais se révèle cette fois moins frappant (notamment sur la chromie dans laquelle on les a vus exceller). Reste ces pantalons larges et fluides munis de poches treillis, des associations de matières et des chapeaux cloche à larges bords ultra-rétro et malgré tout très portables en 2020.

Photos Lucile Boiron pour Libération

Les défilés de Yohji Yamamoto se doivent d'être vécus sans égard pour sa montre. On y trouve toujours cette même langueur, faite pour perturber le rythme fou de la semaine de la mode. Le créateur japonais, présent à Paris depuis le début des années 80, crée comme il digresse (sur le noir avant tout). Des vêtements pansements (une veste coupée en deux parties réunies dans le dos par des liens entrecroisés), d'autres mutants (un manteau déstructuré qui se révèle être aussi une veste voire une robe), et des collages de formes et de textures comme quand Yamamoto bombe grossièrement une série de manteaux asymétriques.

La mode est pour le créateur de 76 ans un jeu - très maîtrisé - un territoire où l'on peut tout s'autoriser, une boutade aussi, à l'image de cette robe «à fesses» extirpée d'un autre siècle, dotée d'une excroissance clownesque. Une façon de mêler le bizarre et le comique.

Défilé Yamamoto, le 28 février.

Défilé Yohji Yamamoto, photo Lucile Boiron

La journée s'achève vendredi sur l'un des grands rendez-vous de la semaine de la mode. Hedi Slimane chez Celine parvient toujours à électriser l'atmosphère et à stimuler son monde. L'art de l'introduction est l'une des cordes accrochées à son arc : du logo géant de la maison (qu'il a repensé) qui clignote dans la nuit, du casting (filles et garçons tiges) à la musique (celle de Sofia Bolt, Française qui chante en anglais).

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Aux Invalides, il produit une fois de plus une collection née dans le passé - les années 70 - mais ravivée façon 2020. Les garçons fendent la piste en pantalon skinny en velours, boots à talonnettes (de plus en plus hautes), chemises à jabot, et portent eux aussi des sacs à main à l'épaule. Ils empruntent de multiples pièces au vestiaire féminin et vice versa. On voit pêle-mêle une robe chemise en velours de couleur brun foncé, des blousons en cuir étriqués, du jean qui colle, du cuir clouté, un duffle-coat en mouton, des capes de bourgeoises à la Deneuve, une jupe bleu marine taille haute à double boutonnage, un trench en cuir noir très polar.

Des looks gold parsèment aussi le show. Ils lorgnent parfois du côté de la couture (Hedi Slimane prépare sa première collection de haute couture pour Celine) à l'instar d'un ensemble (haut au col montant et pantalon) au motif animalier (girafe ?) entièrement rebrodé d'or. Des bijoux cristaux et des compressions réalisées en collaboration avec la fondation César (deux nouveaux projets de la maison) sont distillés sur les modèles qui les portent au bout de longue chaîne, de sorte qu'elles rythment chacun de leur pas. Du pur Celine façon Slimane.