Philippe Nahon avait une gueule et une gouaille d'un Jean Gabin qui aurait viré anar-punk, délaissé la lumière du premier plan pour le faux retrait des seconds rôles remarquables du cinéma français de ces vingt dernières années. Les deux sont, toutes proportions gardées et chacun à leur époque, le visage d'une France d'en bas, au bout du comptoir, au bout du rouleau. Nahon, 81 ans, mal en point depuis quelque temps déjà, s'est éteint des suites du Covid-19.
Acteur vétéran sur les planches, du grand et petit écran, il jouira d'une reconnaissance tardive grâce à un unique premier rôle qui le marquera à vie – celui du boucher raciste et violent dans le dytique formé par le court Carne (1991) et le long Seul contre tous (1998) de Gaspar Noé. Né à Paris, peu disert sur son passé (selon Gaspar Noé, il aurait fait la guerre d'Algérie puis déserté, refusant de prendre les armes), sa mine patibulaire semble pouvoir traverser les époques puisqu'il peut jouer du Rostand, Brecht ou Shakespeare sur scène, apparaître cinq fois dans la série policière pépère les Cinq Dernières Minutes, être crédible en braconnier du XVIIIe siècle (le feuilleton historique le Gerfaut, 1987) ou en flic dans la Haine (1995) de Matthieu Kassovitz.
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