Lundi 26 mai, à 11 heures du matin, au dixième étage de l'appartement du boulevard Montparnasse, on était six à discuter : quatre hommes et deux femmes : Marcuse, Sartre, Pierre, Gavi, Catherine et moi.
Marcuse s'est trouvé par hasard ces jours-ci à Paris ; aussi, Pierre Victor et Philippe Gavi, qui devaient voir Sartre, ont saisi l'occasion pour l'inviter et avoir une discussion avec lui qui a pris lieu à propos du dernier livre de Gavi, Sartre et Victor (Pierre) : « On a raison de se révolter ». L'ambiance était calme et amicale. La plupart du temps, on se laissait prendre par un fou rire en oubliant tout à fait qu'on était entre des « philosophes ». On était « pourtant » entre deux philosophes modernes qui s'affrontaient dans toute la violence d'une quiétude absolue à travers des cigarettes que Gavi me piquait, que je piquais à Marcuse, que Catherine piquait à tous les deux, alors que Sartre à côté, fidèle à sa dernière décision de ne plus fumer le matin, suivait d'un petit air malin les mains dans les poches. Marcuse, tout content, les yeux brillants, aussitôt son arrivée, a traité le livre comme une nouvelle « Bible ».
Peu de temps après, il l'avait oublié : il a reproché à Pierre la phrase dans le livre (page 97) : « On vomissait la culture livresque. » Ce qui est amusant, c'est que, de Pierre et Gavi, c'est Pierre le plus intellectuel. Ainsi, c'est d'abord lui qui s'est mis à « expliquer » à Marcuse sa conception de l'intellectuel « de type nouveau