Le Vol des avions, Pourquoi nous travaillons, Entre la guerre et la paix, le Western, la Logique, les Etapes de la biologie… Ces beaux titres qui embrassent des champs aussi divers sont quelques-uns de la célèbre collection des Que sais-je ? éditée chez PUF. A cette ambition encyclopédique toute rationnelle, qui convoque les dernières avancées scientifiques pour répondre à toutes les questions qu’on est en droit de se poser sur le monde, Pascale Bouhénic ajoute la sensibilité et la subjectivité. Car les Que sais-je ? elle les collectionne pour leur aspect de vieux bouquin, leurs couvertures colorées, leurs titres évocateurs.
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Dans sa bibliothèque, elle en a choisi 76, qui sont pour elle autant de «façons d’entrer». Chacun des petits livres savants lui a inspiré un poème : méditation sur le sujet traité ou déclencheur d’un souvenir, ils dessinent par touches délicates le portrait de l’autrice. Histoire du cinéma la conduit à un poème qui commence par l’«ablation des quatre dents de sagesse de ma fille», les Noms de personne à dévoiler l’origine de sa collection : «Quand j’y songe, il y avait des «Que sais-je ?» chez mes parents modestes /Comme tous les livres de poche, ils étaient annotés /Par l’écriture de mon père illisible.» Une façon de rendre hommage autant que de détourner cette littérature qui se veut la plus positive possible, pour faire surgir l’intime.
Voici l’un des poèmes du livre.
L’hérédité humaine
Bien arrivée à Jujurieux
Après un arrêt à Saulieu
Terre du sculpteur Pompon
Qui fut un élève de Rodin.
La patronne du restaurant
(Qui sert une cuisine bourgeoise
Comme dans les restos autrefois)
Me touche à un bizarre endroit.
A la regarder, elle est une parfaite réplique
De mon cher père
Non dans ses traits, c’est entendu
Mais dans cette manière affolée, qu’elle a de commenter le menu.
Ce qu’elle fait sans se faire prier aucunement
Prenant son temps et digressant
Ecorchant le coq, étripant l’âne
Et la façon dont elle s’emmêle les pinceaux, trop longuement
Sans flancher, me touche violemment, c’est idiot.
Je l’ai prise en sympathie pour cela
Baissant les yeux sur la nappe à carreaux
Déjà remplie de miettes
(Je meurs de faim c’est évident).
Car j’ai hérité de ces glissades, de ces cabrioles
De ces accidents brutaux, de tous ces mots qui dégringolent
A toute vitesse sur la table.