La jeune fille est assise sur un lit, face à la scène. Sa table de chevet est la maquette d’un immeuble de cinq étages au toit de tuiles, réplique du 65, rue d’Aubagne à Marseille où elle vivait, appartement quatrième gauche, jusqu’au 5 novembre 2018. Ce jour-là, à 9h05, son immeuble s’est écroulé, entraîné dans la chute du bâtiment mitoyen tout aussi délabré, mais vide. Elle allume un vidéoprojecteur près du lit, à l’écran des cases : «Premier droite. Revenait de l’école après avoir déposé son fils de 9 ans. Deuxième droite. Sorti chercher ses clopes à 8h45. Ses deux amis, en train de dormir. Deuxième gauche. Préparait le café. Devait bientôt déménager…» Troisième gauche, sa meilleure amie dort, avec son amoureux. Au numéro 65, huit voisins ont été emportés sous les gravats. «Et moi, je n’étais pas là, dit la jeune fille, voix saturée de colère et de chagrin. Par chance, par hasard, par destin, par force supérieure, par accident. C’est ça le plus terrible : se demander en boucle pourquoi je n’étais pas là et les autres, si.»
Comment survivre à la catastrophe ? Comment se reconstruire quand la ville entière elle-même peine à cicatriser, déchirée par l’errance de milliers de délogés après le drame ? Sept ans après les effondrements meurtriers qui ont frappé le qu