Sur la scène, Irina goguenarde se demande si le spectacle que vient de donner son fils Treplev est une «plaisanterie» ou un «manifeste», et c’est comme une oscillation qui meut tout le spectacle d’Elsa Granat, un spectacle énergique, généreux, et d’une intelligence littéraire qui dérouille efficacement le ressort méta-théâtral du texte. Une mouette se fracasse sur la scène de la Comédie-Française, ses ailes démantibulées et sanglantes ont quelque chose de ridicule et de terrifiant à la fois. On en sort un peu sonné, étourdi par la puissance des moyens déployés, et tremblant de la peine qu’on a éprouvée pour des personnages dont on a cessé pourtant de nous dire qu’ils n’étaient que ça : des personnages.
Prétention grosse comme un cormoran
Théâtreux intransigeants et tchékhoviens de collège, passez votre chemin. Cette Mouette d’Elsa Granat explose le texte, supprime figures et dialogues, pour mieux concentrer la matière dans un spectacle qui peut paraître éparpillé, mais dont la complexité est une nécessité dramatique. La Mouette, on en a soupé. Sans doute faut-il pour qu’on l’entende la débarrasser de toutes les mythologies qui souvent l’encombrent, et font planer sur cette histoire triste un sérieux sinistre et une prétention grosse comme un cormoran. Tchekhov y campe un groupe de personnages qui se retrouvent en villégiature au bord d’un lac. Irina, une actrice célèbre, y a pris ses quartiers, accompagnée de son amant Trigorine, un auteur à la mode, de son fils Treplev, aspirant écrivain t