Les trois-quarts de l’estampe sont occupés, surchargés, par des corps d’hommes en veston noir vociférant et applaudissant au balcon d’une salle de spectacle. La gravure sur bois est de Felix Vallotton, elle s’appelle le Couplet patriotique. Elle date de 1893, un an avant la condamnation de Dreyfus pour haute trahison, après un procès expéditif fondé sur des faux montés de toutes pièces par l’état-major de l’armée. Sourcils froncés et gueules ouvertes, elle convoque le climat nationaliste et antisémite de la pas si Belle Epoque, au cœur de la nouvelle exposition du musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, «Alfred Dreyfus, vérité et justice».
Le Mahj avait consacré une première exposition à l’affaire Dreyfus en 2006, au centenaire de la réhabilitation du capitaine. Dix-neuf ans plus tard, elle y revient, puisque c’est nécessaire, puisque l’affaire fait toujours en 2025 l’objet de lectures complotistes et puisqu’il faut encore «répondre aux nouveaux marchands de haine», écrit Paul Salmona, le directeur de l’institution, dans la préface au catalogue («C’est trouble cette histoire», «on ne saura jamais», osait Eric Zemmour en 2021). L’exposition réactualise aussi le récit de l’affaire à la lumière des recherches les plus récentes, celles notamment de l’historien