En 1984, la télévision ouest-allemande diffusait Heimat, une série-fleuve signé d’Edgar Reitz retraçant la vie d’une famille paysanne au fil des générations après la Première Guerre mondiale jusqu’aux années 80. Cette vision «par le bas» a rassemblé des millions d’Allemands devant leurs téléviseurs et a profondément modifié le regard que le pays portait sur son identité et sa culture. La notion romantique très germanique de Heimat – approximativement traduisible par «foyer», «patrie», «terre natale» – n’a, depuis son instrumentalisation génocidaire par le nazisme, cessé d’évoluer au gré des examens critiques. C’est à sa redéfinition radicale qu’invite depuis septembre la Maison des cultures du monde (HKW) de Berlin, une institution qui, sous l’impulsion de son directeur, Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, s’attache à mettre en lumière la dimension post-coloniale de l’histoire allemande, peu analysée jusqu’ici, en lançant un programme ambitieux intitulé «Heimaten».
Ce néologisme verbal, qui recharge un terme négativement connoté sur un mode actif – heimaten signifierait «faire heimat» – synthétise des enjeux majeurs : à qui appartient l’Allemagne ? Comment penser, créer et vivre une communauté de destin dans un pays dont près de 30 % de la population a une histoire migratoire ? Les populations en prove