Nous avons ouvert ce livre peu avant le 7 octobre, attirée par l’époque, le lieu et le choc des premières phrases, et puis les massacres commis par le Hamas en Israël sont venus percuter notre lecture et nous ne savions plus très bien où nous nous trouvions, dans l’est de l’Europe au début du XXe siècle, ou à Paris au début du XXIe siècle devant les effroyables nouvelles qui nous parvenaient du Proche-Orient. Voici ces premières phrases : «Au moment précis où, enfin, Henni s’apprête à s’enfuir au-dehors dans la neige, c’est le plus grand, le plus maigre des hommes entrés dans la maison qui arrache le dernier bébé du sein de Pessia et le soulève au-dessus de lui. Le cri qui monte avec l’enfant emplit l’air de faisceaux de fumées, de roches explosives.»
En ce début de XXe siècle, Henni, 8 ans, vit avec ses parents et ses nombreux frères et sœurs dans un village d’Europe de l’Est. La famille est juive comme le sont les voisins avec qui elle se réunit parfois pour shabbat. Henni a une passion pour sa grande sœur Zelda, bien plus rassurante et maternelle que sa mère qu’elle a toujours vu enceinte ou un bébé collé au sein. Elle s’entend moins bien avec son grand frère Lev, veule et distant, mais regarde avec adoration les trois derniers, Iossif, Kolia et surtout Avrom, dont on vient de lui confier la responsabilité. C’est elle désormais qui sera chargée de le changer, de le promener, de le bercer le soir à la veillée. Mais un soir à la fin de l’hiver, «il y a un grand bru