L’actualité percute parfois la fiction. L’incendie qui a paralysé la ville d’Arles le jeudi de la semaine d’ouverture des Rencontres de la photographie – plus de train, plus de wi-fi, plus de courant, voitures électriques clouées sur place pendant quelques heures – convoquait soudain une des plus puissantes expositions du festival. Celle de Noémie Goudal, «Phoenix», qui dans une installation monumentale scrute en plan fixe, strates par strates, des images de jungle qui flambent, cauchemar fascinant de beauté, écho de l’urgence climatique et réflexion sur le pouvoir spatio-temporel de la photographie. Malgré les Canadair et le Covid qui rode, le festival avait plutôt des airs de retour à la normale pour l’acte 1 du nouveau directeur Christoph Wiesner, avec son adjointe Aurélie de Lanlay. Cette 53e édition affirme pleinement la photographie comme un art, un art plastique où les femmes ont un rôle clé. A la fois cérébral et pas tape-à-l’œil, le parcours tisse des liens entre l’objectif glaçant de Lee Miller, l’avant-garde féministe trash des années 70 qui prend l’appareil photo comme une arme et la jeune garde, inquiète, qui invente une nouvelle grammaire formelle. Comme Daniel Jack Lyons, photographe américain qui s’est penché sur le sort d’une communauté de jeunes LGBTQ marginalisés au Brésil. Dans une scénographie à la palette froide, l’atmosphère est concentrée, climatisée, le flamboyant scénographe Olivier Etcheverry, disparu en mars et célébré dans un hommage vibrant lors de la soirée d’ouverture, manque cruellement. Pas de grain de folie, les temps ont changé, quelques lieux sympathiques se sont volatilisés avec la pandémie et le cœur du festival revient en centre-ville avec des images parfois ascétiques. Parmi les 40 expositions, certaines laissent de marbre (Babette Mangolte, Susan Meiselas, Romain Urhausen) tandis que d’autres, moins attendues, révèlent et confirment des talents (les géniales performeuses des années 70, Noémie Goudal, Julien Lombardi, Lukas Hoffmann, Léa Habourdin, Mika Sperling). Arles ou le feu sous la glace.
Edito
A Arles, des flammes, des femmes et un festival
Les Rencontres d'Arles 2024dossier
Violeta (juin 2021), de la série «Comme une rivière». (Daniel Jack Lyons/Loose Joints)
publié le 9 juillet 2022 à 8h15
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