Sur la rocade qui serpente autour de Barcelone, depuis l’aéroport ou la tour conçue par Jean Nouvel, vestige des Jeux olympiques de 1992, on ne voit qu’elles : les trois cheminées de cette Sagrada Família XXL, bétonnée et moins circonvoluée que sa voisine. Situées à proximité de la rivière Besòs, qui eut droit elle aussi à sa comparaison douteuse avec Tchernobyl, les Trois Cheminées de l’ancienne centrale électrique située dans le quartier de Poble-Sec resteront comme l’emblème de cette 15e édition de la biennale d’art contemporain itinérante Manifesta, qui nous avait habituée jusque-là à des destinations moins identifiées (de Nicosia à Genk, de Palerme à Prishtina).
Les Trois Cheminées accueillent aussi, sur un plan artistique, la réserve la plus intéressante d’œuvres avec un accrochage parcimonieux (une gageure, vu l’immensité des lieux) qui propose, dans cette ruine industrielle devenue stérile, de composer avec les éléments naturels : les plantes, combustibles du jardin encapsulé du Français Ugo Schiavi, les arbres, une véritable forêt reconstituée par l’Angolais Kiluanji Kia Henda à partir de chutes de bois récoltées sur cette zone hautement polluée, le soleil, dans la discrète contamination de l’Anglaise Alexandra Daisy Ginsberg sur les vitres de l’usine, ou encore le vent qui souffle dans les grandes voiles de l’installation de la Portugaise Maja Escher.
«Nous ne sommes plus seulement une exposition»
Au cœur des Trois Cheminées, dont le potentiel radioactif semble relégué dans l’impressionnante salle des machines, d