Les cauchemars bubble-gum de Philip Guston (1913-1980), encombrés de centaines de semelles, de bouteilles et de mégots, d’inquiétantes silhouettes cagoulées et de gigantesques têtes cyclopes, ces farces déposées à gros traits, en couches épaisses – appétissantes, même ! – sur la toile, singuliers monuments du XXe siècle tardif, font résonner à la Tate Modern de Londres la cacophonie d’un esprit génial et tourmenté. Enfin !
Reportée après des controverses au sujet d’hommes cagoulés façon Ku Klux Klan peuplant certaines de ses toiles, rôdant là tels des crétins de comics malfaisants et balourds, la rétrospective tant attendue se révèle, sur les cimaises de la Tate en tout cas, et après trois arrêts aux Etats-Unis, pleine d’intelligence. Dès la première salle, elle donne le sentiment de faire irruption dans la boîte crânienne de Guston, où des combats font rage, avec deux œuvres tardives en forme d’autoportraits : Legend, toile de 1977 où un homme dort allongé dans un lit (profil disproportionné, gros œil fermé, oreille énorme) et semble flotter dans un chaos qu’il a lui-même organisé. Dansent tout autour de lui, telles des projections de son esprit, boîtes de conserve, mégots, semelles, clous, matraque, baguette à châssis, avec en prime le cul d’un cheval à l’endroit de sa tête, et des jambes poilues. N’était le gros trait enfantin, la banalité des objets, l’on verr