De même que la variété française a connu Stone et Charden, les arts numériques ont aussi leur paire de noms a priori indissociables : Adrien M & Claire B forment (depuis 2011) une compagnie. Et un couple, qu’il convient toutefois de conjuguer aujourd’hui à l’imparfait. Une précision d’autant moins indélicate, cependant, qu’elle fournit l’humus d’En amour, conçu par le tandem. Une installation immersive, participative et, hélas, instagrammable, dans le soubassement de la Philharmonie de Paris où l’on est convié à se lover quarante minutes durant.
Pour cela, il faut préalablement ôter ses chaussures, afin, si l’on consent à la suggestion placardée à l’entrée, d’intégrer ensuite «une chorégraphie humaine, libre et organique». Une anagogie high-tech, en somme, immersion entre luminothérapie et développement personnel (featuring la chanteuse November Ultra, qui prête son concours à la séance), qui relate la séparation en douceur d’un couple, dans une mordorure néorurale plus proche des Rêveries de la promeneuse solidaire, en goguette dans le Luberon, que de Délivrance ou d’As bestas. «Je suis amoureuse de la rivière qui coule à côté de la maison», énonce ainsi, en introït, une voix off féminine qui, un peu plus loin dans le monologue intimiste, confiera, comme touchée par la grâce de Jean-Louis Aubert : «Le tout dernier jour c’était une nuit et on s’est dit “voilà, c’est fini.”».
Si le public (pas mal de couples, fatalement) communie, ça n’est cependant pas tant pour les mots que pour ces images qui, transitant parfois par la danse ou le cirque, ont forgé la renommée d’Adrien Mondot et Claire Bardainne, apôtres d’une synesthésie numérique ici customisée en idylle – au sens antique du terme. Du sol aux parois (plus quelques écrans translucides), on contemple de la sorte une symphonie de pixels qui suggèrent tantôt le gargouillis d’un ruisseau, tantôt le bouillonnement des vagues ou le défilé des nuages. Un savant entrelacs de vidéoprojecteurs, ordinateurs et caméras infrarouges permettant à chacun d’interagir avec les mains, créant une singulière ambiance de cour de récré mutique qui, l’amusement estompé, vire au temps calme, comme on dit en maternelle.