Le premier geste d’Anne Imhof aura été de dépouiller jusqu’à l’os le Palais de Tokyo pour mettre à nu sa vieille carcasse grise et grêle. Sans ses cimaises et autres béquilles architecturales ajoutées au fil du temps, le lieu, bâti pour ne pas durer – seulement le temps de l’Exposition universelle de 1937 –, a l’air croulant et vivifiant, brutal et vulnérable, inondé de lumière par endroits et, dans ses tréfonds, cerné par une grise obscurité. L’artiste allemande, née en 1978, l’a comme pelé et rasé de près pour faire du Palais un écorché vif, un miséreux magnifique, branlant et claudiquant. Elle a par exemple, dès l’entrée, bandé deux poteaux en béton recouvert de plaques de faux marbre écaillé de tapis de mousse noirs, comme ceux qui habillent les coins d’un ring de boxe. De fait, le show oscille entre rudesse et tendresse, noirceur et couleurs saturées. Et si les œuvres, les siennes autant que celle de ses invités dans le cadre de cette carte blanche, valent pour elles-mêmes, c’est surtout leur mise en scène et le rythme qu’Anne Imhof a su insuffler à son parcours qui épatent. Elle pousse le spectateur à aller de l’avant, vers le bas du Palais et jusque dans ses zones souterraines, et file à la vitesse des courants d’air pour, çà et là, reprendre son souffle, ou bien abandonner et repartir à contresens.
La quête de l’affront, du choc
Une des premières œuvres annonce la sinuosité de ce parcours glissant. Munie d’une clé de bagnole, l’artiste a rayé d’une ligne fébrile la surface noire et rutilante d’un p