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Exposition

«Antimatter Factory» à Bâle : les orifices prodiges de Mika Rottenberg

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A Bâle, une rétrospective est consacrée à l’artiste qui livre avec ses sculptures mécaniques et ses vidéos déjantées sa vision du monde sous un filtre farcesque et kitsch.
«NoNoseKnows» de Mika Rottenberg, 2015. (Mika Rottenberg/The artist and Hauser & Wirth)
publié le 28 juin 2024 à 23h40

L’art est-il un atchoum violent ? Un grand spasme qui traverse bruyamment le corps de l’artiste pour expulser une forme, une œuvre voire des crottes de nez ? C’est en tout cas l’hypothèse que formule l’étonnante Mika Rottenberg dans l’exposition que lui consacre le musée Tinguely de Bâle, en Suisse. Face à Sneeze (2012), sa vidéo où des types au gros nez rouge et aux éternuements violents voient des lapins, des côtes de bœuf ou une ampoule sortir de leur pif, l’artiste explique : «Les allergies, c’est une réaction naturelle du corps qui projette ce qu’il y a à l’intérieur vers l’extérieur, c’est un peu la même chose que l’art, finalement…» Pour ce film, Mika Rottenberg s’est inspirée de l’éternuement du moustachu Fred Ott filmé au kinétoscope en 1894 par les laboratoires de Thomas Edison. Elle ajoute : «J’ai fait Sneeze enceinte, ça a dû jouer…»

Donner une forme à ce qui n’en a pas, transformer le néant en quelque chose est un fil rouge de l’artiste. Alchimiste satirique, Mika Rottenberg observe la métamorphose du monde sous l’angle du merveilleux et de la farce. Installée à New York (elle est née en Argentine et a grandi en Israël), elle s’intéresse aux migrations, et se revendique d’un «marxisme poétique», attentive aux machines, ces rouages capitalistes inventés par les hommes pour produire et faire circuler les biens et les idées. «Je lis Marx comme de la poésie. Artiste pas activiste, j’essaye déjà de m’expliquer le monde à moi-même.