«C’est la luuutte finale, groupons-nous, et demain…» L’Internationale, chantée en néerlandais par des ouvrières marocaines déguisées en sirènes, le poing levé, pourrait prêter à rire… Il n’en est rien. Dans la formidable vidéo Boussa from the Netherlands 3, le chant et l’absurdité de la situation déclenchent au contraire l’émotion. Voilà toute la force et l’originalité de Bertille Bak dans sa superbe exposition au Jeu de paume : en provoquant des situations ubuesques et en soulignant les aberrations de la mondialisation ou de la surconsommation, la plasticienne creuse un sillon bien à elle, en forme de critique fataliste et cocasse du monde contemporain. Dans Boussa from the Netherlands 1, une autre vidéo, ces mêmes ouvrières de Tétouan décortiquent une par une des crevettes pêchées aux Pays-Bas, acheminées au Maroc en camions frigorifiques et renvoyées en Europe pour être vendues au supermarché. Entre documentaire et fiction – les ouvrières entrent dans un frigo, se couvrent de peaux de mouton, travaillent au rythme d’injonctions en néerlandais –, le film, cauchemar éveillé, dénonce l’absurdité des circuits industriels. Plus jamais on n’achètera les crustacés roses dans les rayons frais sans y penser.
Née en 1983 à Arras, Bertille Bak est une petite-fille de mineurs polonais, un «coron ombilical» comme elle l’appelle. Son grand-père travaillait à la mine à 13 ans. Marquée par la culture des corons, la plasticienne, formée aux Beaux-Arts de Paris e