Nicolas Bourriaud ne se succédera pas à lui-même. Cela devient une manie, qu’il entretient bien malgré lui. Le conseil d’administration du MoCo a décidé de ne pas renouveler son mandat à la tête de cette institution montpelliéraine, que le commissaire d’exposition et critique d’art a inaugurée il y a deux ans en regroupant sur trois sites un musée dédié aux collections d’art contemporain privées, un centre d’art et l’école des beaux-arts. Son dossier de candidature n’aura même pas passé le premier tour, le jury de présélection recalant son projet en quatrième position quand il fallait être sur le podium pour être éligible.
Déjà, en 2015, Nicolas Bourriaud n’était pas reconduit à la direction de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris (ENSBA), qu’il occupait depuis 2011 après avoir codirigé le Palais de Tokyo. Dans un cas comme dans l’autre, s’il s’éclipse sans coups d’éclat ni tribune rancunière dans la presse. Sa succession, en revanche, donne lieu à des mélodrames qui hésitent entre le vaudeville et la farce pateline. En 2015, la presse soupçonnait l’éviction de Bourriaud d’être le résultat d’un mauvais coup de billard à quinze bandes, impliquant Manuel Valls, son ami Gérard Holtz et la femme de celui-ci, Muriel Mayette-Holtz, qui, visant le poste de directrice de la Villa Médicis à Rome, aurait eu besoin de trouver à son occupant d’alors, Eric de Chassey, une porte de sortie à sa hauteur, c’est-à-dire l’ENSBA. Ce fut finalement l’artiste Jean-Marc Bustamante qui fut nommé.
Une trajectoire, un tremplin, un destin
Au MoCo, mardi, jour d’élection, la succession de Bourriaud s’est faite en laissant circonspects les étudiants de beaux-arts sur la régularité de la procédure et sur la pertinence (sinon l’impartialité) du choix. Numa Hambursin, son remplaçant, est une gloire locale. A 41 ans, il a dirigé le Carré Saint-Anne à Montpellier et un lieu d’art contemporain à Cannes, connu seulement sur la Croisette. Il a également remporté le prix de l’Aica, guilde de critiques d’art, pour son livre sur la réception de la peinture de Marlène Mocquet. Mais son élection ne s’est pas faite sans heurts. A une voix près, il n’atteint pas la majorité requise (les deux tiers). Mais est néanmoins, désigné vainqueur. Les étudiants de l’école des beaux-arts de Montpellier sont vent debout.
En attendant les probables nouveaux épisodes de cette tempête dans un verre de MoCo, on ne peut s’empêcher d’observer combien Bourriaud a le don d’attirer sur son dos les polémiques politico-culturelles. Il est clivant. Le précédent maire de Montpellier, Philippe Saurel, lui a confié en toute confiance les rênes d’un projet artistique pour la ville, qui a vu le jour et convaincu au-delà des frontières de l’Hexagone. Mais pas le nouveau maire, Michaël Delafosse, qui l’a pris pour cible et y a vu un motif idéal pour se distinguer de son prédécesseur. Avec le MoCo, Bourriaud a tendu à la ville de Montpellier une trajectoire, un tremplin, un destin : devenir, disait-il le Los Angeles français, soit une ville bercée d’un climat californien où les artistes et l’art fleuriraient comme là-bas sur la West Coast, sans limite à leur imaginaire. Le récit, porteur, était prometteur. Ses prémices (une dizaine d’expositions, de jeunes curateurs recrutés, des intervenants aux beaux-arts connus du monde entier) étaient, à nos yeux parisiens pour le moins convaincants. Las. Loin de quitter L.A. dans l’Hérault, Bourriaud quitte un nouveau Clochemerle. Loser magnifique, il se console déjà, alors que paraît ces jours-ci son nouvel essai : Inclusions. Esthétique du capitalocène, que l’auteur, comme pour ses précédents et nombreux textes, a préféré sortir d’abord à l’étranger, en Italie, en Argentine… On doute qu’il soit un jour invité au MoCo pour en faire une présentation.