Ça n’est pas tant d’un fusil dont on a besoin, au musée de la Chasse et de la Nature, que d’une boussole. D’une richesse insoupçonnée, du moins pour qui s’en tiendrait encore aux a priori spécistes, le lieu (installé dans deux hôtels particuliers) a en effet rouvert à l’été 2021, après deux ans de travaux, avec cinq nouvelles salles. Par surcroît, depuis une quinzaine d’années maintenant, il a fait le choix fructueux (également de point de vue de la fréquentation, qui s’en est trouvée boostée) d’ouvrir grand ses portes à l’art contemporain (Tania Mouraud, Sophie Calle, Eva Jospin…) dans le cadre d’expos temporaires avec des œuvres parfois fondues dans le décor, l’idée, qui nécessite donc un «effort» de concentration, étant d’instaurer le dialogue avec, ici, une porcelaine de la Compagnie des Indes, là, une toile de Rubens ou de Brueghel.
Aux pièges à loup et autres trophées empaillés, on pourra ainsi préférer en ce moment le regard fertile de Vincent Fournier, qui a baptisé son odyssée «Uchronie». Un terme cher aux amateurs de SF, que l’artiste s’approprie pour évoquer une relation à la nature et à la technologie préférant tourner le dos au catastrophisme, pour miser sur une fantasmagorie leste qui inventorie une mythologie du futur.
«Nous avions pensé baptiser l’ensemble “Solastalgie”, mais la notion de disparition que suggère le terme nous en a dissuadés, car il y a aussi chez Vincent Fournier une dimension atypique et farfelue qui renvoie aux rêves de l’enfance et au plaisir manifeste de se raconter des histoires, comme d’en raconter aux autres», expose Christine Germain-Donnat, directrice depuis fin 2019 de l’établissement, qui insiste au passage sur la volonté de faire tourner les médiums. Après la gravure sur bois, le carton ou la bombe aérosol, c’est donc la photographie, au sens large, qui s’en vient «perturber» les collections permanentes, le quinquagénaire Vincent Fournier, s’autorisant aussi des incursions du côté de la vidéo et de l’installation. «Au croisement de la biologie et du surréalisme», le plasticien imagine par exemple une taxinomie chimérique sous la forme d’animaux augmentés, où cohabitent l’oiseau tempestaire – qui «contrôle les phénomènes célestes en faisant usage de la musique» –, l’éléphant à plumes et le toucan avec un bec en or.
Une créativité débridée qui s’applique également à l’humain quand, dans «Space Utopia», série entamée en 2007 et toujours en cours, Vincent Fournier situe des astronautes au beau milieu de glaciers, ou de reliefs rocailleux. Sauf que, autre façon de brouiller les pistes, nul montage, ni retouche, ni filtre ne caractérise ici ces grands formats couleur parfaitement authentiques, qui présentent juste des sites islandais servant de terrain d’entraînement de la Nasa.