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Disparition

Christian Boltanski, mémoires vives

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Marqué par l’expérience familiale de la Shoah, le plasticien, mort ce mercredi à 76 ans, a fondé son art sur la mise en forme du souvenir, créant une œuvre caverneuse, lumineuse et poignante.
Christian Boltanski à Paris, le 11 novembre 2019. (Edouard CAUPEIL/Photo Édouard Caupeil pour Libération)
par Judicaël Lavrador et photo Edouard Caupeil
publié le 14 juillet 2021 à 21h04

Parmi ses tout premiers films, dans les années 70, l’histoire a déjà retenu, avec quelques haut-le-cœur, celui qui met en scène un personnage masqué et recroquevillé, expectorant de la peinture en crachant ses poumons et toussant tant et plus : l’Homme qui tousse. Juré craché, il ne honnit pas seulement la peinture, ni même tout ce qu’elle incarnait alors pour une ribambelle d’artistes trop établis aux yeux de la jeune garde soixante-huitarde (la bourgeoisie cliente de l’Ecole de Paris, tartinant un lyrisme éculé), mais aussi une manière de faire œuvre en s’affirmant comme un grand auteur, un moi singulier et superbe. L’Homme qui tousse, de même que son acolyte, l’Homme qui lèche, ou Derrière la porte, c’est aussi une manière pour Christian Boltanski d’afficher un personnage qui, dépassé par les affres de son propre, corps, n’a plus rien de précis à articuler, rien d’intelligible sinon ces soubresauts, un peu idiots, un peu encombrants, inconvenants. Mais, précisément, l’art de Christian Boltanski se charge à ses débuts de faire émerger soudainement et sans pudibonderie, dans des petits films aux couleurs saturées et un peu sales, l’envie d’en faire rejaillir la nécessaire éruption. Christian Boltanski, né en 1944, est mort mercredi, à 76 ans, après avoir fait retentir dans les nombreuses salles d’exposition où il est passé – du Centre Pompidou, où