Voilà trente ans que Manifesta, biennale d’art contemporain pas comme les autres, promène ses bagages dans toute l’Europe. «Je ne suis pas une politicienne mais je gère avec les politiciens», résume sa fondatrice, Hedwig Fijen, 63 ans, qui, après s’être réinventée tous les deux ans, «dans une autre culture, une autre langue», a annoncé que ce serait sa dernière édition. Et, de fait, cette curatrice néerlandaise est devenue une interlocutrice incontournable du soft power culturel européen. «Quand le maire de Palerme m’appelle pour me demander de résoudre le péril mafieux, je dis non», tempère, amusée, celle qui a d’abord branché sa biennale sur le sismographe Est-Ouest – chute du Mur oblige – puis sur les rapports Nord-Sud.
Chaque édition est l’occasion de formuler pour la ville hôte un certain nombre de problématiques politiques : passé minier et post-industriel à Genk, enclavement pour la scène kosovare, engorgement de la mégalopole et problèmes écologiques pour Barcelone. La prochaine édition, annoncée pour 2026 dans la Ruhr, ne manquera pas de «poser la question de la montée de l’extrême droite en Allemagne et en Europe en général», croit savoir Hedwig Fijen. Mais pour elle, c’est incontestablement Manifesta 6 (2006), organisé autour d’un proje