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Art contemporain

Documenta, l’or du commun

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A la tête de la 15e édition de la manifestation d’art contemporain de Cassel, en Allemagne, les artistes Ruangrupa, de Jakarta, ont choisi 14 collectifs – une première –, la plupart non-occidentaux et militants, pour ce parcours axé autour de l’activisme et de l’inclusion.
«List of censored Artists» (2022), installation du collectif cubain Institut d'artivisme Hannah Arendt (Instar). (Nicolas Wefers)
publié le 20 juin 2022 à 17h38

Les aficionados de la Documenta, la plus grande manifestation d’art contemporain au monde qui se tient tous les cinq ans à Cassel (Allemagne), se souviennent encore avec émotion de l’arrivée solennelle sur la Friedrichplatze d’Okwui Enwezor, originaire du Nigeria, premier directeur artistique non-européen à prendre les rênes de cette manifestation. En 2002, ce dernier avait bousculé les hiérarchies de la scène occidentale avec une vision postcoloniale. Vingt ans plus tard, les neuf membres de Ruangrupa, collectif d’artistes de Jakarta, choisis – c’est la première fois pour un collectif – pour la direction artistique de la quinizème édition de la Documenta, poursuivent son travail avec une belle radicalité.

Né dans l’Indonésie post-Suharto, ce collectif a du inventer les conditions de vie de son art, qu’il partage aujourd’hui à Cassel en insufflant l’esprit lumbung. Le traditionnel lumbung – une grange sur pilotis, en bambou et feuilles séchées, dans laquelle est entreposé le riz communal – représente un écosystème artistique où pot commun, pratiques collectives et éducation artistique priment. Pour infuser cet esprit «village», Ruangrupa a donc convié, non pas des individus, mais 14 collectifs, la plupart non-occidentaux et militants (Cubains, Coréens, Maliens, Néo-Zélandais, Congolais, Bangladais, Australiens, Vietnamiens, Roms, Haïtiens…). Forts de cette méthode de travail et de ces idées, les artistes ont semé ensemble les germes de nouveaux contours d