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Libération
Art contemporain

Dominique Figarella, «A pied» d’œuvres

Les peintures exposées à la galerie Anne Barrault à Paris sont aussi errantes que piétonnes et laissent toute place à des boucles et des vrilles peintes avec les pieds.
Dominique Figarella, Homo Sapiens, 2020. (Luc & Sophie Jennepin Pourquié/courtesy Galerie Anne Barrault)
publié le 20 juin 2022 à 4h33

«A pied», le titre de l’exposition de Dominique Figarella à la galerie Anne Barrault à Paris, claque d’emblée comme un programme – certes pas inédit – de piéton de la peinture à une époque où celle-ci retrouve des ailes. Les peintres en effet ont fini d’être mis au ban du marché et, le médium reprenant la première place sur les cimaises, les plus jeunes peintres ont fini de s’excuser de peindre, c’est-à-dire d’expliquer pourquoi ils peignent. Ce n’est pas tout à fait le cas de Figarella. Né en 1966, il a connu la crise de la peinture qui, de 1990 à 2010, a vécu une de ses traversées du désert (il en connaîtra d’autres). C’est donc à nu que cette œuvre, habituée à l’indifférence, mais insistante et sûre d’elle (ça fait un bail que l’artiste, enseignant aux Beaux-Arts de Paris, pratique et professe), s’expose : sans effet de manche puisqu’elle arrive à pied.

«A pied» peut s’entendre dès lors comme synonyme de démunie de tout, pas équipée, pas véhiculée. Mais ces tableaux, qui laissent toute la place à des vrilles, des boucles, des lignes noirâtres, qui s’ourlent pour former des oignons, sur des fonds grisâtres, ont aussi été en partie peint avec les pieds. Littéralement. Leur support métallique est choisi exprès pour supporter d’être posé au sol et, piétiné dans l’atelier, de supporter le poids de l’artiste, ses va-et-vient, ses glissades, ses pas de côté. Avant d’être redressé, pour ne pas laisser la main à ces pas de côté.

Les peintures de Figarella sont aussi errantes que piétonnes. Elles effacent les traces des premiers pas, jetés à bras-le-corps, pour redresser la barre, le niveau, la forme. Elles marchent seules. Elles creusent une distance (l’une d’elles à la galerie s’intitule La distance au soleil est d’un pied) entre le processus, le corps, et le motif. Il n’y a rien à voir sur les tableaux de Figarella, sinon les traces d’une expérience à dépister, en vain : cette peinture se meut «à pied», hors des radars, de l’histoire de l’art et, sans prétendre faire table rase, elle rase les murs.

«A pied», exposition de Dominique Figarella à la galerie Anne Barrault, à Paris (75003), jusqu’au 9 juillet.