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Exposition

Ellsworth Kelly à la fondation Vuitton : abstrait de génie

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Bancales, troublantes, les toiles monochromes et les photos rares du chantre américain de l’abstraction (1923-2015) bousculent les murs de l’institution parisienne.
L'œuvre sur toile «Yellow Curve» (1990) d’Ellsworth Kelly. (Ron Amstutz/Ellsworth Kelly Foundation)
publié le 13 mai 2024 à 4h09

Accrocher les toiles d’Ellsworth Kelly, c’est assumer le risque qu’elles ne paraîtront jamais d’équerre, toujours un chouia trop bas, à droite, à moins que ce ne soit à gauche que ça n’aille pas. A la fondation Vuitton, ça ne rate pas : ses tableaux aux formes si peu régulières défient la stabilité de la perception des choses et de l’espace, qu’ils semblent faire bouger, bousculer, incommoder. L’abstraction monochrome (poussée, au maximum, à trois couleurs par toiles, pas plus et toujours en autant de blocs, compacts et nettement tranchés) a cette élégance renversante des choses bancales. C’est une abstraction boiteuse qui prend, du même coup, à nos yeux, le parti de tout ce qui boîte, cloche, dissone, diverge. La preuve : elle tire ses formes des intervalles, des trous, des ombres, des canettes écrasées trouvées par terre, des ailes d’avions, des fenêtres du musée national d’Art moderne de Paris.

Toilettes à la turque

En 1949, au début d’une petite décennie passée en France, le jeune Kelly peint un diptyque qui épouse la forme et dépeint le tracé des baies vitrées du musée. Quand d’autres copient les maîtres anciens, lui prend la tangente, regarde ailleurs et autrement. A la fondation, à côté de cette peinture qui ne tend pas une fenêtre sur le monde et se co