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Libération

«L’Image et son double» : à Beaubourg, toute reproduction est autorisée

Dans sa Galerie de photographies, le Centre Pompidou fait se répondre et se dédoubler une soixantaine d’œuvres.
«Loupe / Dormeur Livre 8», d'Eric Rondepierre. (ADAGP. MNAM. RMN)
publié le 7 novembre 2021 à 22h12

Ausculter «l’idée et les mécanismes de reproduction» dans la photographie. Tel est l’unique (sic) objectif que se fixe «l’Image et son double», exposition plus instructive que pédante du Centre Pompidou qui, pour l’occasion, a extrait une soixantaine d’œuvres de sa collection. On aurait pu hésiter devant la tournure théorique du sujet. Ou, au contraire, redouter un didactisme convenu. Or, les écueils contournés, il n’en est rien. Imaginé il y a trois ans, le projet a maturé en se nourrissant notamment des acquisitions faites par l’établissement, certaines d’entre elles servant désormais à étayer la démonstration, ainsi introduite par la commissaire, la conservatrice Julie Jones : «La notion de reproduction est d’autant plus fondamentale qu’elle renvoie aux origines mêmes du médium. Au point que, de Berenice Abbott œuvrant pour le MIT au numérique, on pourrait la voir comme un fil rouge qui accompagne la transformation constante de la photographie au gré des contextes et temporalités différents.»

Ombre, reflet, série, répétition, dégradé, diffusion, copie, fac-similé (voire simulé)… Toutes les options font ici l’objet d’une recension, certes sans fioritures (la Galerie de photographies, implantée dans le soubassement du bâtiment, n’étant pas un lieu propice aux extravagances), mais surtout cohérente, scindée en trois étapes dûment explicitées. Où, d’une manière générale, on constate que le thème, du moins tel qu’ici abordé dans la place forte de l’art moderne et contemporain, ne stimule pas tant les photographes exclusifs, que des créateurs pluridisciplinaires, cinéastes, peintres, performeurs, sculpteurs ou écrivains, maniant le boîtier à des fins spéculatives souvent agrémentées d’une pointe d’humour – tirant vers l’absurde, la poésie ou, au contraire, visant à mettre en garde contre les faux-semblants d’une époque où dupliquer, sinon falsifier, tend à devenir un jeu d’enfant, fût-il insidieux. Gentiment nonsensique – et aussi lisible de visu, qu’un peu ardue à décrire –, l’installation du Japonais Hirofumi Isoya, Lag 5 et Lag 6 (un Lag 7 manquant à l’appel), s’apparente à une mise en abyme composée de deux étagères accrochées côte à côte, sur chacune d’elles étant posé un cadre à l’intérieur duquel une image représente un cadre tombant… d’une étagère.

A rapprocher du petit portrait, signé Man Ray – et répondant à une commande de René Magritte, pour son tableau, la Reproduction interdite (1937) –, du mécène du surréalisme, Edward James, debout, le visage caché derrière une photo de son propre portrait. Ou, symbole iconique voué à une prolifération qui échappe à l’autrice (à mesure que l’outil technologique favorise la démarche) du fameux guérillero sandiniste lançant un cocktail Molotov (1979) de l’Américaine, Susan Meiselas, décliné en tract, t-shirt imprimé ou boîte d’allumettes.

«L’Image et son double», au Centre Pompidou, entrée libre, jusqu’au 13 décembre.