Si la tapisserie des JO réalisée par la dessinatrice franco-iranienne Marjane Satrapi vient d’être dévoilée – elle ornera la façade de l’hôtel de la Marine pendant les Jeux et rejoindra la collection du musée des Sports de Nice –, la sculpture olympique est encore tenue secrète. Son emplacement pérenne dans la capitale aussi. Mais le nom de son autrice est désormais connu : il s’agit d’Alison Saar, une plasticienne basée à Los Angeles. Commandée par le Comité international olympique et la Ville de Paris, l’œuvre qui portera la mémoire des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, est en train d’être créée par une artiste de nationalité américaine. Ce choix s’explique puisque Los Angeles est la ville hôte des JO en 2028. Selon ce même principe, l’artiste français Xavier Veilhan a réalisé en 2020 l’œuvre intitulée The Audience pour les JO de Tokyo.
«Au cœur même de l’histoire américaine»
Pour Paris, 20 artistes ont été approchés, neuf ont été présélectionnés, quatre ont remis des esquisses et deux ont été retenus. «Un comité consultatif composé de représentants du CIO, de la Ville de Paris, du comité d’organisation des Jeux de Paris 2024 et de membres de la communauté artistique internationale a choisi Alison Saar à l’unanimité, décision entérinée par Anne Hidalgo, maire de Paris, et Thomas Bach, président du CIO», se félicite le communiqué de presse. Depuis 2016, le programme artistique des Jeux olympiques a évolué au fil des années. «Nous souhaitions inviter un artiste à s’inspirer des valeurs olympiques au sens large, précise la responsable des projets «arts et culture» au Musée olympique à Lausanne, Anja Wodsak. A Rio, nous avons d’abord travaillé avec l’artiste français JR puis avec l’Argentin Leandro Erlich à Buenos Aires en 2018 [qui avait accueilli les Jeux olympiques de la jeunesse, ndlr]. Mais c’est pour Tokyo que nous avons souhaité une œuvre pérenne. Notre ambition est de tisser des liens entre les villes et les artistes. C’est un don du CIO à la Ville de Paris.» Le montant de ce don n’a pas été précisé.
Née en 1956 à Los Angeles et réputée outre-Atlantique, Alison Saar est encore méconnue en France. En janvier 2022, ses estampes ont été montrées à la galerie Lelong dans une exposition intitulée «Backwater Blues». Elle y montrait des gravures, des tirages sur papier mais aussi des impression sur des mouchoirs, torchons ou sacs de jute. «Nous suivons son travail depuis plusieurs années déjà, précise le directeur de la galerie Lelong, Patrice Cotensin. Sa prochaine exposition aura lieu en 2025, elle a été retardée parce que l’artiste est justement accaparée par les JO. De la génération de Kiki Smith – qu’elle connaît bien –, Alison Saar travaille au cœur même de l’histoire américaine grâce à ses sculptures, ses gravures sur bois et ses impressions sur tissu. Des collectionneurs français ont déjà fait l’acquisition de ses pièces. Nous montrerons plusieurs pièces lors de la foire Art Paris en avril.» Son œuvre la plus connue est une sculpture d’Harriet Tubman, ancienne esclave et militante anti-esclavage qui a aidé de nombreux esclaves à s’évader, premier monument créé en hommage à une femme noire à New York.
Une œuvre singulière centrée sur l’identité féminine noire
Alison Saar a grandi dans une famille d’artistes : son père, Richard Saar, d’origine allemande, est céramiste et aussi restaurateur d’œuvres d’art. C’est en l’aidant qu’elle développe sa curiosité à l’égard d’autres cultures. Sa mère, Betye Saar, artiste afro-américaine, encore active, est reconnue internationalement pour ses assemblages, ses boîtes et ses petits autels qui traitent des questions raciales, sexistes et des discriminations subies par les afro-américains aux Etats-Unis. Depuis quarante ans, Alison Saar développe une œuvre singulière centrée sur l’identité féminine noire. Ses pièces sculptées, gravées, peintes ou cousues sont au croisement d’influences culturelles diverses, comme la culture afro-américaine, le folklore haïtien, la mythologie et même l’art brut. Dans les années 80, Saar incorpore des objets trouvés dans l’environnement urbain lors d’une résidence au Studio Museum de Harlem à New York. Au Nouveau-Mexique, elle développe son style en l’enrichissant des influences amérindiennes et mexicaines.
«En décembre, elle est venue à Paris pour son projet des JO. Elle cherchait des éléments pour composer sa sculpture, notamment au marché aux puces», poursuit le galeriste Patrice Cotensin. Alison Saar a aussi rencontré Xavier Veilhan. Jusqu’ici le projet de son œuvre – qui fait partie du programme de l’Olympiade culturelle pilotée par les JO avec les ministères et villes françaises – est resté confidentiel. Même la galerie Lelong n’a pas vu d’esquisse. Elle sera dévoilée le 23 juin à Paris. Dans un lieu «central et accessible», assure le CIO.