Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, publié par Rilke en 1910, commence par une évocation de Paris : «C’est donc ici que les gens viennent pour vivre ? Je serais plutôt tenté de croire que l’on meurt ici.» Ces phrases pourraient figurer en exergue de la double exposition du musée d’Art et d’Histoire du judaïsme (Mahj) de Paris. La première montre les œuvres d’artistes juifs pour la plupart reconnus comme Marc Chagall, Chaïm Soutine, Sonia Delaunay, Ossip Zadkine, Jacques Lipchitz, Chana Orloff, Jules Pascin, Alice Halicka, etc. Ils viennent d’Europe centrale et de Russie (à l’exception de Modigliani), fuyant souvent persécutions et discriminations pour rejoindre avant et après la Première Guerre mondiale la ville qui symbolise la liberté et l’explosion des avant-gardes. Les talents de ces artistes se posent sur les mouvements nouveaux pour y trouver peu à peu, comme des caméléons, leurs propres couleurs. Leurs formes unissent la vie du shtetl (le quartier juif en Europe centrale et en Russie) à celles de la Belle Epoque, se développent dans le tourbillon des Années folles. Cubistes, réalistes, oniriques, abstraits, mondains, caricaturistes… une joie mélancolique souffle partout, et la guerre est le cyclone de leurs yeux. Ossip Zadkine, brancardier dans les tranchées, fait une magnifique série d’eaux-fortes. Entre autres, une vue aérienne sur six corps dans leurs cercueils, près d’un poêle réchauffant inutilement les morts. Le grand tuyau les enjambe. Les
Exposition
Peintres juifs à Paris, ombres de la Ville lumière
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Ary Lochakow (1892-1941), «le Poète David Knout», 1923. (MAHJ)
par Philippe Lançon
publié le 27 juin 2021 à 19h42
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