Passé la porte d’entrée, sentir sous son pied l’épaisse moquette. Viser, au fond de la pièce, le grand rideau plissé, oppressant, comme celui d’un théâtre avant une représentation. Remarquer que le rideau et la moquette ont la même couleur, un bleu canard profond. Penser soudain au film Blue Velvet de David Lynch. Fixer enfin son regard sur les grands tirages noirs et blancs… Voilà les premières impressions de l’exposition «Entre nous» de Joanna Piotrowska au BAL à Paris. Dans une scénographie feutrée, bleue en haut et saumon au sous-sol – moquette couleur brique et murs rose pale –, la photographe polonaise, basée à Londres, enferme le visiteur dans son monde pour en faire son jouet. Elle enferme aussi les protagonistes de ses images, qu’elle n’épargne pas en les figeant dans son cadre. S’ils n’ont pas l’air de souffrir, les personnages de Joanna Piotrowska paraissent vulnérables, en mauvaise posture. Qu’est-ce qui se joue là dans cet univers confiné ?
Sur une photographie, il y a cet homme qui se planque sous sa table de cuisine, comme s’il se protégeait d’un tremblement de terre. Et puis sur une autre photo, un grand gaillard se cache sous une console remplie de plantes en pot. On dirait qu’il veut éviter un sérial killer qui rôde dans sa maison. Sur une troisième image, une serviette tendue entre une chaise et une bibliothèque forme une cabane au milieu d’un salon : une jeune femme est assise dessous, à moitié camouflée. Dans cette série dite «Des abris» – la photo